Pour prouver la réalité des heures supplémentaires, le salarié n’a pas à indiquer la pause méridienne

Jurisprudence
Paie 35 heures

Le salarié souhaitant prouver la réalité des heures supplémentaires réalisées, n’a pas à indiquer dans son relevé « la prise éventuelle d'une pause méridienne ».

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé à compter du 1er septembre 2008 en qualité de technico-commercial.

Il saisit la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture.

Il réclame notamment le paiement d’heures supplémentaires qu’il prétend avoir réalisées sans pour autant que son employeur n’en ait acquitté le paiement. 

Dans un premier temps, la cour d'appel de Nîmes par un arrêt du 10 octobre 2017, déboute le salarié de sa demande au titre que le relevé des heures qu’il prétend avoir réalisé ne mentionne pas « la prise éventuelle d'une pause méridienne ». 

La Cour de cassation n’est pas du même avis, indiquant à cette occasion que :

  • Le salarié souhaitant prouver la réalité des heures supplémentaires réalisées ;
  • N’a pas à indiquer dans son relevé « la prise éventuelle d'une pause méridienne».

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

  1. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
  2. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
  3. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
  4. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, l'arrêt retient que le salarié communique un décompte des heures de travail qu'il indique avoir accomplies durant la période considérée, lequel mentionne, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d'heures de travail quotidien et le total hebdomadaire.
  5. L'arrêt retient encore que l'employeur objecte, à juste titre, d'une part, que le salarié, qui travaillait de manière itinérante à 600 kilomètres de son siège social, ne précisait pas ses horaires de travail sur ses compte-rendus hebdomadaires et en justifie en produisant plusieurs de ses documents établis en 2012 et, d'autre part, que les fiches de frais ne permettaient pas de déterminer les horaires réellement accomplis par le salarié au cours de ses tournées.
  6. L'arrêt ajoute que le décompte du salarié est insuffisamment précis en ce qu'il ne précise pas la prise éventuelle d'une pause méridienne.
  7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le quatrième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. Q... de ses demandes de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos, de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de dommages-intérêts au titre de la rupture, l'arrêt rendu le 10 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cour de cassation du , pourvoi n°17-31046

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions de base concernant les heures supplémentaires, tenant compte à ce titre des modifications apportées par la loi travail sur ce thème.

Déclenchement des heures supplémentaires

Depuis le 10 août 2016, ce sont désormais 3 articles du code du travail, modifiés par la loi travail, qui encadrent le déclenchement des heures supplémentaires.

L’article L 3121-27 rappelle la durée légale du travail, fixée à 35 heures/semaine.

L’article L 3121-28 stipule désormais que :

Toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit :

  • À une majoration salariale ;
  • Ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

L’article L 3121-29 dans sa version modifiée confirme que le décompte des heures supplémentaires s’effectue par semaine.

Article L3121-27

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Article L3121-28 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Toute heure accomplie au delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Article L3121-29 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Les heures supplémentaires se décomptent par semaine.


Définition de la semaine civile

Dans le cadre de la négociation collective il existe désormais une nouvelle façon de définir la semaine civile.

À ce titre, l’article L 3121-32 modifié par l’article 8 de la loi travail confirme qu’une période de 7 jours consécutifs constituant la semaine pour l’application de la durée légale peut être fixée par :

  • Convention ;
  • Accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;
  • Ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.

Article L3121-32

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine pour l'application du présent chapitre.

Enfin dans le cadre des « dispositions supplétives », l’article L 3121-35 modifié par la présente loi confirme que sauf stipulations contraires indiquées précédemment (soit à défaut d’accord collectif), la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Article L3121-35

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l'article L. 3121-32, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.

Lundi

Mardi

Mercredi

Jeudi

Vendredi

Samedi

Dimanche

0h ----------------------------------------------------------------------------------à 24 h

La notion de travail effectif

Le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires, pour toutes les heures qu’il effectue au-delà de la durée légale de travail effectif.

Il est donc important de rappeler ici la notion de travail effectif.

Article L3121-1 

Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)

La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Donc le travail effectif répond à 3 conditions cumulatives :

  1. Le salarié est à la disposition de son employeur ;
  2. Il doit se conformer aux directives de son employeur ;
  3. Le salarié ne peut vaquer à des occupations personnelles 

Temps pris en compte ou exclus

Le tableau qui suit se propose d’envisager les cas les plus fréquents : 

Type d’heures

Elles permettent de générer des heures supplémentaires ?

Travail proprement dit

Oui

Temps d’absence assimilé à temps de travail effectif

Oui

Délégation des représentants du personnel

Oui

COR (Contrepartie Obligatoire en Repos)

Oui

RCE (Repos Compensateur Équivalent)

Oui

Les heures supplémentaires pour travaux urgents

Oui

Les jours de congés payés

Non

Les jours de RTT

Non

Les jours de maladie même rémunérés

Non

Les heures d’habillage ou de déshabillage

Non

Les temps de pause et de repas

Non

Les heures de trajet (du domicile au travail).

Non

Les heures indemnisées au titre de l’activité partielle (nouveau régime en vigueur depuis le 1er juillet 2013)

Non