Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 7 septembre 1998 et occupe en dernier lieu les fonctions de responsable de secteur. Il est titulaire de mandats de représentant du personnel.
En mai 2009, la société a mis en place un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des suppressions de postes, dont celui occupé par le salarié. L'autorisation de le licencier pour motif économique a été refusée par décision de l'inspecteur du travail du 16 décembre 2010.
Le salarié, qui était en dispense d'activité depuis le 1er juillet 2010, a adressé le 13 avril 2011 à son employeur un courrier libellé en ces termes : « Ayant trouvé un contrat à durée indéterminée à compter du 02 mai 2011, étant en dispense d'activité, je vous demande la levée de la clause d'exclusivité prévue à mon contrat (…). Ce contrat à durée indéterminée est la réalisation de mon projet et je renonce à tout reclassement interne au sein de (…)».
Après avoir accédé à sa demande, l'employeur lui a notifié le 21 juin 2011 son licenciement pour motif économique.
Le salarié a bénéficié d'un congé de reclassement.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié saisit la juridiction prud'homale pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de certaines sommes liées à la rupture du contrat de travail.
Dans un premier temps, la cour d'appel de Rouen par arrêt du 18 janvier 2018, déboute le salarié de sa demande retenant le « caractère clair et non équivoque de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié, en raison de ce que celui-ci a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec un nouvel employeur alors que son contrat de travail avec la société était en cours, emploi qu'il a effectivement occupé à temps plein, et n'a pas donné suite aux offres de reclassement de l'employeur, ajoutant qu'il renonçait à tout reclassement en interne à deux reprises, ce qui révèle la persistance de son choix ».
Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, précisant que :
- La démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail ;
- N’a pas manifesté une telle volonté, un salarié qui est à la recherche d’un emploi après s’être vu notifiée la suppression de son poste et une dispense d’activité.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu l'article L. 1237-1 du code du travail :
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Il résulte de ce texte que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
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Pour rejeter les demandes du salarié au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient le caractère clair et non équivoque de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, en raison de ce que celui-ci a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec un nouvel employeur alors que son contrat de travail avec la société était en cours, emploi qu'il a effectivement occupé à temps plein, et n'a pas donné suite aux offres de reclassement de l'employeur, ajoutant qu'il renonçait à tout reclassement en interne à deux reprises, ce qui révèle la persistance de son choix. Il en déduit que la démission est démontrée et doit produire tous ses effets, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les demandes au titre du licenciement, lequel est non avenu.
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En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié s'était vu notifier la suppression de son poste et une dispense d'activité, ce dont il résultait qu'en recherchant un autre emploi, le salarié n'avait pas manifesté une volonté claire et non équivoque de démissionner, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Commentaire de LégiSocial
La démission obéit à une définition précise que régulière la Cour de cassation rappelle, comme elle le fait dans le présent arrêt.
Revoyons donc les éléments qui permettent de reconnaitre la véracité de cette rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié.
Les caractéristiques de la démission
La démission est un acte dont l’initiative appartient obligatoirement au salarié.
Un employeur ne peut pas « demander » au salarié de démissionner, comme le salarié ne peut pas demander « à être licencié ».
Ce sont parfois des termes que l’on entend, mais qui ne sont en aucun cas légalement admissibles.
La démission ne se présume pas.
C’est à celui qui invoque la démission (donc uniquement le salarié) de la prouver.
La démission peut être implicite ou explicite mais les juges hésitent pour la notion implicite.
Principes fondamentaux
- La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque ;
- La décision doit être réfléchie ;
- La démission doit être libre.
Des précisions
La démission doit résulter d’une volonté claire, sérieuse et non équivoque
De ce fait, les cas suivants ne constituent pas des démissions, et l’employeur ne doit en aucun cas les considérer comme telles :
- L’absence non justifiée d’un salarié ;
- Le retour tardif d’un salarié après une suspension du contrat de travail.
Parfois, ce sont les juges de la Cour de cassation qui ont été amené à requalifier ou non l’absence du salarié comme l’expression d’une démission implicite.
La démission doit résulter d’une décision libre :
- Par erreur : exemple de la lettre de démission écrite par un autre salarié, le démissionnaire ne sachant ni lire, ni écrire ;
- Par dol: le salarié n’avait pas connaissance des conséquences sur les allocations chômage ;
- Sous la menace : le salarié qui démissionne suite à des menaces ou insultes de son employeur.
Ainsi, les juges de la Cour de cassation considèrent que la lettre de démission écrite sous la contrainte, dans le bureau du directeur après une discussion et des pressions exercées sur le salarié n’est pas recevable car rédigée sous la menace.
Arrêt Cour de cassation 26/05/1993 arrêt 90-42188 D
Arrêt Cour de cassation 10/11/1998 arrêt 96-44299 D