Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 7 janvier 2002 en qualité de contrôleur de gestion, puis nommé par avenant au contrat de travail du 18 juin 2015 directeur de la société.
Le 13 octobre 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Contestant son licenciement, intervenu le 18 janvier 2017 avec dispense d'exécution de son préavis de 6 mois, il saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Il considère notamment que l’indemnité compensatrice de préavis qui lui a été versée devait comprendre l’avantage nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel.
Par arrêt du 9 mai 2019, la cour d'appel d'Angers déboute le salarié de sa demande, relevant que :
- L’avenant au contrat de travail du 18 juin 2015 prévoyait la mise à disposition d'un véhicule en location longue durée « dans le cadre régulier de ses nouvelles fonctions », avec en contrepartie le versement d'une redevance de 120 € par mois par le salarié ;
- Que celui-ci ayant été dispensé de l'exécution de son préavis, il n'avait plus à effectuer les déplacements liés à ses fonctions ;
- Et qu’il ne pouvait donc prétendre à une indemnité pour avoir été privé de l'utilisation de ce véhicule.
Mais la Cour de cassation ne partage pas cet avis, et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, rappelant à cette occasion que :
- L’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur ;
- Ne doit entraîner aucune diminution de l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourRecevabilité du moyen
- L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau, partiellement mélangé de fait.
- Cependant, l'usage personnel du véhicule de fonction est invoqué par l'employeur lui-même dans ses écritures.
- Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article L. 1234-5 du code du travail :
- Selon ce texte, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.
- Pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation de la privation de son véhicule de fonction pendant son préavis, l'arrêt retient que l'avenant au contrat de travail du 18 juin 2015 prévoyait la mise à disposition d'un véhicule en location longue durée « dans le cadre régulier de ses nouvelles fonctions », avec en contrepartie le versement d'une redevance de 120 euros par mois par le salarié, que celui-ci ayant été dispensé de l'exécution de son préavis, il n'avait plus à effectuer les déplacements liés à ses fonctions, qu'il ne peut donc prétendre à une indemnité pour avoir été privé de l'utilisation de ce véhicule.
- En statuant ainsi, alors que l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution de l'avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d'un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, conféré par l'avenant à son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
- Le deuxième moyen du pourvoi principal ne formulant aucune critique contre le chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de bonus présentée par le salarié pour la période du 1er avril au 21 juillet 2017, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes présentées par M. D... au titre de l'indemnisation de la privation du véhicule de fonction et du bonus pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, l'arrêt rendu le 9 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Commentaire de LégiSocial
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur l’intégration obligatoire d’un avantage en nature dans le chiffrage de l’indemnité compensatrice de préavis en cas de dispense par l’employeur, y compris le cas particulier d’un véhicule de fonction attribué habituellement au salarié (ne constituant pas au passage un avantage en nature…).
Voici un rappel de quelques arrêts à ce sujet :
Thématiques | Références |
Dispense de préavis et… véhicule de fonction | Cour de cassation du 11/07/2012, pourvoi n° 11-15649 |
Lire aussi : Dispense de préavis et… véhicule de fonction JurisprudenceCette affaire concerne un salarié engage le 24/11/1998, en qualité de directeur général. Le 23/06/1999, lui sont confiées les fonctions de directeur de développement. Son contrat de travail ... | |
L’indemnité compensatrice de préavis comprend l’avantage en nature | Cour de cassation du 16/12/2020, pourvoi n° 19-12760 |
Lire aussi : L'indemnité compensatrice de préavis comprend l'avantage en nature JurisprudenceL'inexécution du préavis n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise, y compris l’avantage en nature véhicule. |