Le fait d’accepter la modification du contrat de travail à titre de sanction, ne signifie pas renonciation du droit à contester celle-ci

Jurisprudence
RH Contrat de travail

L'acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l'employeur à titre de sanction, n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 31 mars 1989, en qualité de responsable atelier imprimerie par le comité central d'entreprise d’une grande entreprise.

Le 1er mars 2008, il est promu au poste de responsable du patrimoine régional (coefficient 172) d’un village de vacances de [Localité 1]. Sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à 2.969,70 €.

Le 12 septembre 2014, l'employeur lui notifie, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire au poste de bibliothécaire 1, catégorie employé 3, coefficient minimum de 141, à [Localité 2], pour une rémunération mensuelle brute de 2 235,85 €.

Un avenant à son contrat de travail à durée indéterminée a été régularisé en ce sens par les parties à effet du 6 octobre 2014.

Le salarié saisit la juridiction prud'homale notamment en annulation de cette sanction et rétablissement sous astreinte dans un poste de qualification et rémunération équivalentes à son précédent emploi.

Pour information…

Suite à l'annulation de la sanction de rétrogradation, par jugement du 10 mai 2016, le salarié est réintégré selon un avenant du 1er juin 2016, dans la catégorie socioprofessionnelle qu'il occupait avant la notification de sa rétrogradation et maintenu avec son accord dans l'emploi de bibliothécaire 1 au sein du service du livre et des bibliothèques, à [Localité 2].

Dans un premier temps, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 12 décembre 2018, déboute le salarié de sa demande, estimant que le fait :

  1. Le salarié avait retourné l'avenant signé et précédé de la mention « lu et approuvé » dans lequel figurent précisément son nouvel emploi avec ses attributions, son lieu de travail, ses conditions d'hébergement, sa rémunération et la durée du travail ;
  2. Et que c'est donc en parfaite connaissance de cause qu'il a signé l'avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire qu'il a ainsi acceptée ;
  3. Et n’est plus fondé à remettre en cause. 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Paris autrement composée. 

Elle indique en effet que : 

  • L'acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l'employeur à titre de sanction ;
  • N’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction. 

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail :

  1. Selon ces textes, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
  2. L'acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l'employeur à titre de sanction n'emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction.
  3. Pour dire que la sanction était fondée et débouter le salarié de ses demandes à ce titre, l'arrêt retient que l'intéressé a retourné l'avenant signé et précédé de la mention « lu et approuvé » dans lequel figurent précisément son nouvel emploi avec ses attributions, son lieu de travail, ses conditions d'hébergement, sa rémunération et la durée du travail, et que c'est donc en parfaite connaissance de cause qu'il a signé l'avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire qu'il a ainsi acceptée et n'est plus fondé à remettre en cause.
  4. En statuant ainsi, sans s'assurer, comme elle y était invitée, de la réalité des faits invoqués par l'employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée au salarié, la cour d'appel, qui n'a pas exercé son office, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

  1. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [G] de ses demandes de remboursement de frais de déménagement, de rappel d'avantage en nature pendant six mois, de dommages-intérêts pour préjudice moral, et condamne le comité central du groupe public ferroviaire à payer à M. [G] la somme de 636,72 euros au titre des heures supplémentaires outre celle de 63,67 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 21 juillet 2015, l'arrêt rendu le 12 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-12180

Commentaire de LégiSocial

Nombreux sont les arrêts de la Cour de cassation concernant la modification du contrat de travail, objet de la présente affaire, voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site…. 

Thématiques

Références

Réduction du périmètre de prospection d’un commercial= modification du contrat de travail

Cour de cassation du 12 février 2015, pourvoi n° 13-19309

Quand des changements d’horaires ne constituent pas une modification du contrat de travail

Cour de cassation du 18 février 2015, pourvoi n° 13-17582

Une augmentation de salaire constitue une modification du contrat de travail

Cour de cassation du 26 janvier 2017, pourvoi n° 15-21352

Le seul refus d’une modification du contrat de travail ne justifie pas le licenciement

Cour de cassation du 11 juillet 2018, pourvoi n° 17-12747