Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 21 juin 2205, exerçant en dernier lieu les fonctions de « senior manager » ventes, selon un avenant au contrat de travail signé le 1er juillet 2014, prévoyant une clause de non-concurrence.
Elle démissionne de son poste le 11 mai 2015 et quitte l'entreprise le 30 juin suivant.
Entre temps, elle avait signé un contrat avec une société concurrente, le 25 mai 2015, prenant effet le 1er juillet 2015.
Mais cette société rompt la période d'essai le 1er octobre 2015.
Elle saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence, ce que l’employeur conteste compte tenu du fait qu’il considère que la salariée n’a pas respectée ladite clause.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Versailles, par arrêt du 7 novembre 2019, déboute la salariée de sa demande.
Cet arrêt est confirmé par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par la salariée, indiquant à cette occasion que :
La contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence n’est pas due :
- A une salariée, tenue de ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée de 12 mois à compter de la date de rupture effective du contrat, ;
- Ayant quitté l'entreprise le 30 juin 2015 pour entrer au service d'une société concurrente le 1er juillet 2015 ;
- Nonobstant la rupture de la période d’essai prononcée par le nouvel employeur.
En d’autres termes, la violation immédiate de la clause de non-concurrence par la salariée ne saurait lui permettre de bénéficier de la contrepartie financière habituellement due au titre de cette clause, peu importe que le contrat de travail chez l’entreprise concurrente ait été rompue par la rupture de la période d’essai.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- La cour d'appel, qui a constaté que la salariée, tenue de ne pas concurrencer son ancien employeur pendant une durée de douze mois à compter de la date de rupture effective du contrat, avait quitté l'entreprise le 30 juin 2015 pour entrer au service d'une société concurrente le 1er juillet 2015, a, à bon droit, jugé qu'aucune contrepartie à la clause de non-concurrence n'était due à la salariée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant la clause de non-concurrence, et plus précisément son traitement fiscal et social.
Versement de l’indemnité
L’indemnité est due sans que le salarié ait besoin de prouver l’existence d’un quelconque préjudice.
Cour de cassation 31/03/1998 arrêt 96-43016
Elle ne dépend pas de l’ancienneté du salarié, même si cette dernière peut avoir une certaine influence combinée avec d’autres éléments.
Le montant de l’indemnité ne peut pas être diminué en cas de licenciement pour faute lourde du salarié.
Date de paiement de l’indemnité
Elle est versée dés le départ effectif du salarié en cas de dispense de préavis.
Cour de Cassation du 15/07/1998 arrêt 96-40866
Il n’est pas possible de prévoir le versement d’une indemnité au-delà de la période concernée par la clause de non concurrence.
Si cela était le cas, la clause de non concurrence serait nulle.
Régime fiscal et social de l’indemnité
Comme nous l’avons indiqué précédemment, la compensation financière versée au titre de la clause de non concurrence a valeur de salaire.
Elle est donc :
- Soumise aux cotisations sociales, y compris la CSG et la CRDS ;
- Imposable au titre de l’impôt sur le revenu.
Il est conseillé sur le bulletin de salaire de faire apparaître l’indemnité sur une ligne isolée, en incluant l’indemnité de congés payés correspondante ou en prévoyant une autre ligne pour l’indemnité de congés payés correspondante.
Enfin, l’indemnité doit apparaître sur l’attestation Pôle emploi dans le cadre 7.1 (salaires des 12 derniers mois) ou 7.2 (primes et indemnités de périodicité différente).
Congés payés
Une indemnité compensatrice de congés payés doit être obligatoirement calculée, à raison d’un dixième de la valeur de la contrepartie financière et figurer sur une ligne séparée sur le bulletin de paie.
Extrait de l’arrêt :
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de congés payés calculée sur la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt énonce que seul le travail effectif ouvre droit à congés payés ; que dès lors, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence versée par l'ancien employeur pour une période non travaillée ne peut donner lieu à une indemnité de congés payés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence ayant la nature d'une indemnité compensatrice de salaires, ouvre droit à congés payés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de congés payés calculée sur la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, l'arrêt rendu le 5 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Arrêt de la Cour de cassation, Chambre sociale, rendu le 23/06/2010, pourvoi 08-70233
Réduction FILLON et contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence
Notre question
Nous avons interrogé les services de l’URSSAF, afin de savoir si une réduction FILLON pouvait éventuellement être calculée au titre de la contrepartie financière.
Selon nous, tenant compte du fait que cette contrepartie est versée sans qu’il y ait un lien avec un travail effectif ou fourni, l’éligibilité au titre de la réduction FILLON n’est pas envisageable.
La réponse des services de l’URSSAF
Les services de l’URSSAF nous confirment la position suivante :
Même si la contrepartie financière est effectivement assujettie aux cotisations et contributions sociales, elle n’a ni pour objet ni pour fondement la rémunération de la présence du salarié dans l’entreprise en fonction d’un travail fourni par celui-ci.
De ce fait, l’indemnité de non-concurrence n’ouvre pas droit au calcul de la réduction FILLON.
Extrait réponse des services de l’URSSAF, en date du 2 janvier 2015
02/01/2015 14:22 Référence : 2015-01-10 (…)
Votre demande concernait la réduction Fillon pour un salarié bénéficiant du paiement d’une contrepartie financière dans le cadre d’une clause de non concurrence.
L’indemnité de non concurrence versée chaque mois après la rupture du contrat de travail, même si elle est assujettie à cotisations et contributions sociales, n’a ni pour objet ni pour fondement la rémunération de la présence du salarié dans l’entreprise en fonction d’un travail fourni par celui-ci.
Une indemnité de non concurrence ne peut donc effectivement pas ouvrir droit à la réduction Fillon.