Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 22 août 1990 par une association, en qualité de moniteur.
En arrêt maladie à compter du 11 mars 2013, il est déclaré le 1er juillet 2013 inapte définitivement à la reprise de son poste de travail et à tout poste au sein de l'association.
Après avoir saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, le 27 mai 2016, le salarié est finalement licencié le 21 juin 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mais il saisit à nouveau la juridiction prud’homale, estimant que la rémunération versée par son employeur, en raison de l’absence de licenciement dans le délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude devrait comprendre le 13ème mois habituellement versé dans l’association.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Chambéry, par arrêt du 23 mai 2019, déboute le salarié de sa demande, relevant à cette occasion que :
- Pour débouter le salarié de sa demande en paiement du 13ème mois au titre des années 2013 à 2016 et de sa demande de complément d'indemnité de licenciement intégrant le 13ème mois ;
- Il était retenu que le salarié avait perçu sa prime de 13ème en 2013 prorata temporis ;
- Et que, n'étant pas présent au sein de l'entreprise pour les années 2014 jusqu'à son licenciement notifié le 21 juin 2016, il ne peut prétendre à la prime de 13ème
Mais la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, rappelant à cette occasion que :
- En l’absence de reclassement ou de licenciement dans un délai de 1 mois après l’avis d’inaptitude;
- L’employeur doit verser au salarié la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait été présent dans l’entreprise ;
- Comprenant notamment le paiement du 13ème mois
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-4 du code du travail :
7. Selon ce texte, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement du treizième mois au titre des années 2013 à 2016 et de sa demande de complément d'indemnité de licenciement intégrant le treizième mois, l'arrêt retient qu'il a perçu sa prime de treizième mois en 2013 prorata temporis et que, n'étant pas présent au sein de l'entreprise pour les années 2014 jusqu'à son licenciement notifié le 21 juin 2016, il ne peut prétendre à la prime de treizième mois.
9. En statuant ainsi, alors que le salaire correspondant à l'emploi que le salarié occupait avant la suspension de son contrat de travail, et au paiement duquel l'employeur est tenu en application de l'article L. 1226-4 du code du travail, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération, notamment le treizième mois, qu'il aurait perçus s'il avait travaillé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Commentaire de LégiSocial
Profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant l’absence de licenciement (ou de reclassement) au terme d’un délai de 1 mois suivant l’avis d’inaptitude, avec notamment des précisions apportées par la Cour de cassation…
Reprendre le paiement du salaire
Dans ce cas particulier, si aucun licenciement (ou aucun reclassement) n’a été prononcé dans un délai d’un mois, l’employeur doit alors reprendre le paiement des salariés au bénéfice de son salarié déclaré inapte totalement (pour un accident du travail ou un accident de trajet mais aussi pour toute autre origine).
Valeur salaire
Nous noterons que l’article L 1226-4 précise que le salaire à verser est celui :
- Correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail
Article L1226-4
Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 47
Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
En cas de licenciement, le préavis n'est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l'indemnité mentionnée à l'article L. 1234-9. Par dérogation à l'article L. 1234-5, l'inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d'une indemnité compensatrice.
Article L1226-11
Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
Reprendre le paiement sauf si l’inaptitude n’est pas connue
Lorsque l’inaptitude a été prononcée par la médecine du travail, à l’initiative du salarié mais qu’elle n’a pas été portée à la connaissance de son employeur, l’obligation de paiement à l’expiration du délai d’un mois n’est pas applicable.
Cour de cassation du 19/05/2004 arrêt 02-46098 D
Le décompte du délai d’un mois
Le délai d’un mois court à compter de la déclaration d'inaptitude du médecin du travail (en principe après le second examen médical, sauf en cas d’urgence pour lequel un seul examen médical est requis).
Cour de cassation du 28/01/1998 arrêt 95-44301
Et si l’employeur ne paie pas ?
L’employeur pourra alors être condamné en justice à payer au salarié les sommes dues.
Le salarié pourra aussi prendre acte de la rupture du contrat de travail qui sera requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cour de cassation du 29/09/2004 arrêt 02-43746
Dispositions applicables en cas de nouvel arrêt de travail
Un arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020 (contredisant au passage l’arrêt de la cour d’appel qui avait débouté la salariée de sa demande) confirme que :
- Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ;
- La délivrance d'un nouvel arrêt de travail au bénéfice d'un salarié déclaré inapte par le médecin du travail ;
- Ne peut avoir pour conséquence juridique d'ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail et de tenir en échec le régime applicable à l'inaptitude.
Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juillet 2020 N° de pourvoi : 19-14006 Non publié au bulletin