Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de pareur, à compter du 13 juin 2016, par contrat à durée déterminée assorti d'une période d'essai de 10 jours.
L'employeur met fin à la période d'essai le 23 juin 2016, à effet au 24 juin 2016.
Le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail, estimant présentement que la rupture doit s’analyser en un licenciement nul, ouvrant droit au versement de dommages et intérêts.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Lyon déboute le salarié de sa demande, par arrêt du 7 mars 2019.
Elle estime en effet que :
- La période d'essai avait été rompue avant son expiration ;
- Ayant été constaté que le contrat de travail prévoyait un décompte en jours de travail effectif au sein de l'entreprise ;
- Permettant d’en déduire que la période d'essai s'achevait le 24 juin à 24 heures.
La Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Elle indique en effet que :
Il est constant :
- Qu’une période d'essai se décompte en jours calendaires ;
- Sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires.
- Ayant été constaté que le contrat stipulait une période d'essai de 10 jours ;
- Et que, par ailleurs, il se bornait à énoncer que la période d'essai est une période de travail effectif et que toute suspension qui l'affecterait (maladie, fermeture pour congés payés...) la prolongerait d'une durée égale ;
- Ce dont il ne pouvait être déduit que la période d'essai devait se décompter en jours de travail effectif.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
6. Pour dire que la période d'essai avait été rompue avant son expiration, l'arrêt retient qu'il est constant qu'une période d'essai se décompte en jours calendaires, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires. Il ajoute que les premiers juges ont exactement relevé que le contrat de travail prévoyait un décompte en jours de travail effectif au sein de l'entreprise. Il en déduit que la période d'essai s'achevait le 24 juin à 24 heures.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat stipulait une période d'essai de dix jours et que, par ailleurs, il se bornait à énoncer que la période d'essai est une période de travail effectif et que toute suspension qui l'affecterait (maladie, fermeture pour congés payés...) la prolongerait d'une durée égale, ce dont elle ne pouvait déduire que la période d'essai devait se décompter en jours de travail effectif, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Le rejet des deux premiers moyens rend irrévocable le rejet des demandes du salarié relatives à la requalification de la convention de stage et du contrat à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, au caractère discriminatoire et à la nullité du licenciement pour violation du statut protecteur, et aux demandes subséquentes ainsi que le rejet de la demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale que la critique du troisième moyen ne permet pas d'atteindre.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de sa demande tendant à faire juger que la rupture de la période d'essai s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à faire condamner l'employeur au paiement d'indemnités de rupture, l'arrêt rendu le 7 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Une fois encore, la Cour de cassation apporte des précisions sur le décompte de la période d’essai.
Ce sont des précisions utiles et importantes qui permettent en effet de distinguer :
- La rupture de la période d’essai, au formalisme et conséquences financières bien spécifiques ;
- Avec un licenciement qui peut être requalifié en « licenciement nul » en cas d’erreur sur le décompte de la période d’essai (comme cela est le cas dans la présente affaire).
Le décompte de la période d’essai
Le décompte doit se faire en :
- Jours calendaires si la période d’essai est exprimée en jours ;
- En semaines civiles si la période d’essai est exprimée en semaines ;
- En mois civils si la période d’essai est exprimée en mois.
Un arrêt de la Cour de cassation (arrêt 28/04/2011, pourvois 09-40464 et 09-72165) précise que cette méthode calendaire s’applique automatiquement sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires.
« Sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire. »
Le point de départ de la période d’essai est fixé au premier jour de la prise de fonction par le salarié.
Exemples
- Période d’essai de 2 mois qui débute le 15/06/2009 se termine le 14/08/2009 à minuit.
- Période d’essai de 45 jours qui débute le 01/07/2009 se termine le 15/08/2009 à minuit
Lorsqu’une période expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié, elle n’est pas prolongée jusqu’au premier jour ouvrable suivant !!
Suspension de la période d’essai
En cas de suspensions du contrat de travail, la période d’essai est suspendue.
On peut dire aussi qu’elle est prolongée d’autant.
Les cas concernés sont :
- Arrêt de travail pour maladie ;
- Arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
- Congé sans solde ;
- Congés payés ;
- Congés pour évènements familiaux.
Nota : les périodes de formation professionnelle organisée par l’entreprise ne permettent pas, en revanche, de modifier la date de fin prévue de la période d’essai.