Des éléments de rémunération liés à l’activité du salarié doivent être pris en compte pour le calcul des heures supplémentaires

Jurisprudence
Paie Heures supplémentaires

Les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié, doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité d'employé technico-commercial, à compter du 13 février 2006.

Le 15 février 2016, il saisit la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat.

Il estime notamment que son employeur commet une erreur dans le calcul des majorations pour heures supplémentaires. 

Par arrêt du 29 mai 2019, la cour d'appel de Poitiers déboute le salarié de sa demande. 

Elle retient en effet le fait que :

  • La commission sur le chiffre d'affaires perçue par l'intéressé ne dépendait pas directement et exclusivement de son activité personnelle, dès lors qu'il n'était pas à l'origine de la rencontre avec le prospect, que le projet de vente n'était réalisable qu'après sa validation sur le plan technique par le service des métrés et que la véranda vendue était produite et posée par les services de mise en œuvre de l'entreprise ;
  • Et ne saurait être prise en compte dans le calcul de la majoration des heures supplémentaires.

Cette argumentation ne convainc pas la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Limoges.

La Cour de cassation constate que :

  1. Le contrat de travail du salarié stipulait qu'en contrepartie de ses fonctions, celui-ci percevrait une rémunération comportant des commissions sur l'ensemble du chiffre d'affaires lorsqu'il atteignait un certain montant et que ces commissions porteraient sur tous les bons de commande signés personnellement par lui ;
  2. La cour d'appel, n’avait présentement pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que ces commissions se rattachaient directement à l'activité personnelle du salarié, peu important que ce ne fût pas exclusivement.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Aux termes de ce texte, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.
10. Il résulte de ces dispositions que les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires.
11. Pour débouter le salarié de sa demande tendant à faire juger que la base de calcul de la rémunération des heures supplémentaires entre la 35e et la 38e heure inclut les commissions sur chiffre d'affaires prévues par son contrat de travail, l'arrêt retient que la commission sur le chiffre d'affaires perçue par l'intéressé ne dépendait pas directement et exclusivement de son activité personnelle, dès lors qu'il n'était pas à l'origine de la rencontre avec le prospect, que le projet de vente n'était réalisable qu'après sa validation sur le plan technique par le service des métrés et que la véranda vendue était produite et posée par les services de mise en oeuvre de l'entreprise.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail du salarié stipulait qu'en contrepartie de ses fonctions, celui-ci percevrait une rémunération comportant des commissions sur l'ensemble du chiffre d'affaires lorsqu'il atteignait un certain montant et que ces commissions porteraient sur tous les bons de commande signés personnellement par lui, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que ces commissions se rattachaient directement à l'activité personnelle du salarié, peu important que ce ne fût pas exclusivement, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-20995

Commentaire de LégiSocial

Profitons de la présente affaire pour rappeler les principes de calcul des majorations des heures supplémentaires.

Principe général

Le taux horaire de base qui doit être pris en compte pour le calcul du taux horaire majoré (à 10% ou 25% ou 50%) tient compte (ou non) de certains éléments.

Éléments pris en compte

Certaines primes 

Celles qui constituent la contrepartie directe du travail fourni, et celles inhérentes à la nature du travail (positions reconnues de nombreuses fois par la jurisprudence) comme les primes suivantes :

  • Prime de danger, d’insalubrité, de froid, de situation géographique sur les chantiers du bâtiment ;
  • Primes de polyvalence, de risque ;
  • Prime de vol pour un pilote ;
  • Prime pour travail le dimanche, un jour férié, travail de nuit ;
  • Prime de dépaysement ;
  • Prime de détachement ou d’emploi à l’étranger ;
  • Prime de production liée au rendement individuel ou collectif ;
  • Prime d’assiduité (cas particulier car l’administration rejette la prise en compte de cette prime selon la circulaire de la DRT 94-4 du 21 avril 1994 mais la jurisprudence la reconnait dans son arrêt du 26/10/1979 et son arrêt 78-41113, notre outil prend en compte les 2 possibilités).

Les avantages en nature

Éléments à exclure

Les primes suivantes sont à exclure  

  • Prime exceptionnelle ;
  • Prime de vacances ;
  • Primes d’ancienneté ;
  • Prime de 13ème mois ;
  • Primes de déplacement, de transport ;
  • Primes d'intéressement ;
  • Primes de participation ;
  • Primes de productivité (prime indépendante du travail des salariés) ;
  • Primes de mariage, de naissance, de médaille du travail ;
  • Sont également exclues toutes les sommes représentatives des frais professionnels.

Exemple concret et chiffré

  • Un salarié bénéficie du paiement de 5 heures supplémentaires dans le mois, dont le taux de majoration est supposé fixé à 25% ;
  • Son salaire de base est supposé être de 1.900 € sur la base de la durée légale, soit le taux horaire 12,53 € ;
  • Une prime de danger d’une valeur forfaitaire de 500,00 € est versée ;
  • Le salarié ouvre droit à une prime de travail du dimanche de 400,00 € ;
  • Un avantage en nature de 200 € lui est accordé ;
  • Une prime exceptionnelle est versée pour 500 €.

Calcul du taux horaire majoré : 24,72 € = [(1.900,00 + 500,00+400,00+200,00) /151,67] *125% 

Calcul des heures supplémentaires

151,67

Taux horaire

12,53

1 900,00

5

Heure supplémentaire

Majoration…25%

24,72

123,62

Éléments pris en compte pour le calcul du taux horaire majoré

 

Prime de danger

500,00

Prime pour travail le dimanche, un jour férié, travail de nuit

400,00

Avantage en nature

200,00

Éléments exclus du calcul du taux horaire majoré

Prime exceptionnelle

500,00

SALAIRE BRUT DU MOIS:

3 623,62