Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 19 janvier 1993 pour occuper l'emploi de comptable.
Elle est promue à compter du 1er novembre 2009 au poste de contrôleur coûts et recettes, statut cadre.
Le 24 juin 2016, elle adresse à son employeur une demande de congé sabbatique pour la période allant du 26 septembre 2016 au 25 août 2017.
Par courrier reçu par la salariée le 27 juillet 2016, l'employeur l’informe de son opposition à ce que le congé commence le 26 septembre 2016 et lui a indiqué qu'il pourrait commencer le 15 novembre suivant.
Licenciée le 10 novembre 2016 pour faute grave tirée d'un abandon de poste, la salariée a, le 22 décembre 2016, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de faire juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement d'indemnités de rupture outre une indemnité de procédure.
Elle met également en avant le fait que l’employeur devait motiver le différé de son départ en congé sabbatique, en indiquant soit un motif valable soit en se référant à un pourcentage de salariés simultanément absents de l’entreprise.
La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 13 décembre 2019, donne raison à la salariée et considère de ce fait irrégulier le report du départ en congé sabbatique.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, apportant les précisions suivantes :
- L’employeur a la faculté de différer, dans la limite de 6 ou 9 mois, selon l'importance de l'effectif de l'entreprise, à compter de la présentation de la lettre du salarié ;
- Le congé sabbatique de celui-ci, sans être tenu d'énoncer un motif, ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d'absence
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3142-94 et L. 3142-96 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et les articles D. 3142-48, D. 3142-49 et D. 3142-50 du même code, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-1552 du 18 novembre 2016 :
- Aux termes du premier de ces textes, l'employeur peut différer le départ en congé sabbatique dans la limite de six mois à compter d'une date déterminée par voie réglementaire. Cette durée est portée à neuf mois dans les entreprises de moins de deux cents salariés.
- Aux termes du deuxième, sans préjudice des dispositions prévues à la présente sous-section, le départ en congé peut être différé par l'employeur, en fonction du pourcentage de salariés simultanément absents au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ou en fonction du pourcentage de jours d'absence prévu au titre de ces congés.
- Selon le troisième, les délais mentionnés à l'article L. 3142-94, en vue de différer le départ en congé sabbatique d'un salarié, courent à compter de la présentation de la lettre recommandée envoyée par ce dernier.
- Aux termes du quatrième, dans les entreprises de deux cents salariés et plus, le départ en congé peut être différé par l'employeur, de telle sorte que le pourcentage des salariés simultanément absents de l'entreprise au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ne dépasse pas 2 % de l'effectif de cette entreprise, jusqu'à la date à laquelle cette condition de taux est remplie. Ce taux est limité à 1,5 % lorsqu'il s'agit du seul congé sabbatique.
- Aux termes du dernier, dans les entreprises de moins de deux cents salariés, le départ en congé peut être différé par l'employeur de telle sorte que le nombre de jours d'absence prévu au titre des congés pour la création d'entreprise ne dépasse pas 2 % du nombre total des jours de travail effectués dans les douze mois précédant le départ en congé. Pour permettre le départ en congé d'un salarié, cette période de douze mois est prolongée dans la limite de quarante-huit mois. Ce taux est limité à 1,5 % lorsqu'il s'agit du seul congé sabbatique.
- Il résulte de ces textes que l'employeur a la faculté de différer, dans la limite de six ou neuf mois, selon l'importance de l'effectif de l'entreprise, à compter de la présentation de la lettre du salarié, le congé sabbatique de celui-ci, sans être tenu d'énoncer un motif, ni de se référer à certains pourcentages de salariés simultanément absents ou de jours d'absence.
- Pour dire que le report du congé sabbatique imposé à la salariée était irrégulier, l'arrêt énonce que si l'article L. 3142-94 du code du travail pose le principe de la faculté pour l'employeur d'imposer au salarié le report du congé sabbatique qu'il sollicite, sans autre précision, les conditions dans lesquelles il peut le faire sont précisément définies par les dispositions de l'article L. 3142-96 du même code. Il relève que l'employeur qui soutient qu'il n'avait pas à motiver sa décision de report du congé sabbatique, a indiqué ultérieurement à la salariée qu'il ne pouvait la satisfaire à cette période de l'année, correspondant à la période de clôture de l'exercice comptable. Il retient que l'employeur ne pouvait reporter le départ en congé qu'en fonction du pourcentage de salariés simultanément absents au titre du congé pour la création d'entreprise, pour l'exercice de responsabilités de direction au sein d'une entreprise répondant aux critères de jeune entreprise innovante et au titre du congé sabbatique ou en fonction du pourcentage de jours d'absence prévu au titre de ces congés.
- En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait répondu à la lettre de la salariée qui l'informait de son intention de prendre un congé sabbatique, reçue le 27 juin 2016, que ce congé ne pourrait commencer que le 15 novembre 2016, ce qui différait celui-ci de moins de six mois à compter de la présentation de cette lettre, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal ni sur le moyen du pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la Société (…) de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais engagés pour l'élaboration du budget 2016/2017, l'arrêt rendu le 13 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Commentaire de LégiSocial
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