Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 30 novembre 2006 en qualité d'infirmière de prévention.
Elle est en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016.
La salariée saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes concernant ses congés payés, dont le fait que les congés payés qui avaient été acquis, mais non utilisés dans la période de prise habituelle, devaient être soit reportés soit payés en cas de rupture du contrat de travail.
La cour d'appel de Nancy, par arrêt du 19 décembre 2019, donne raison à la salariée.
Sans surprise, cet arrêt est confirmé par la Cour de cassation qui confirme également que :
Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :
- Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
- Les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.
- Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation.
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La cour d'appel, qui a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur type ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de tout droit à report, a fait l'exacte application de la finalité assignée aux congés payés par la directive 2003/88/CE.
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation confirme les arrêts précédents de la Cour de la cassation français et de la CJUE que nous rappelons ici…
Arrêt du 27/09/2007
Un salarié victime d’un accident du travail du 22/09/2002 au 13/06/2003 en raison d’une rechute et qui avait demandé un report des congés lui restant à prendre avant le 1/06/2003 avait essuyé un refus de la part de son employeur.
Le conseil de prud’hommes lui a octroyé 789.14€ de dommages-intérêts à raison du refus de l’employeur de reporter les congés non pris.
La chambre sociale, dans son arrêt du 27/09/2007 a rejeté le pourvoi de l’employeur.
Elle en déduit que « lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année prévue par le Code du travail ou une convention collective, en raison d’absences liées à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ».
Arrêt du 20/01/2009
La CJCE (Cour de Justice de la Communauté Européenne) décide dans son arrêt du 21 janvier 2009, que le salarié en arrêt de maladie ordinaire qui à l’issue de son arrêt de travail décide de prendre ses congés, alors que la période de prise des congés payés est expirée, est dans son droit.
Lorsque la période des congés payés est expirée et que le salarié a été dans l’impossibilité de prendre ses congés payés du fait de sa maladie, il devra pouvoir prétendre :
- Soit à prendre les congés payés acquis
- Soit si le contrat de travail est rompu à une indemnité compensatrice
ARRÊT de la CJCE du 20 janvier 2009
Arrêt du 24/02/2009
Une salariée de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Creil est en arrêt maladie du 17 novembre 2005 au 1er mars 2007.
À son retour, elle saisit la justice d'une demande de report sur 2007 de 12,5 jours de congés payés acquis en 2005 qu'elle n'a pas pu prendre en raison de la suspension de son contrat.
La Cour de cassation donne raison à la salariée.
Cette jurisprudence implique donc que lorsque la période de prise de congés est expirée et que le salarié a été dans l'impossibilité de prendre ses congés du fait de son arrêt maladie :
- Il peut prétendre soit à un report de ses congés ;
- Si le contrat de travail est rompu, au versement d'une indemnité compensatrice.
Cour de cassation du 24 février 2009, arrêt n° 358 FS.P+B pourvoi B 07-44.488
Arrêt du 22/09/2011
Un salarié est dans l’incapacité d’utiliser ses congés payés en raison d’arrêts de maladie.
Il demande le report de ses congés à son employeur qui le refuse.
Le salarié doit obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés pour congés acquis mais non utilisés du fait de l’employeur.
Arrêt du 22/09/2011 Pourvoi 09-72876
En conclusion...
Un salarié qui par suite d’un arrêt de travail (pour maladie ordinaire ou accident du travail) n’est pas en mesure de prendre ses congés doit pouvoir :
- Utiliser ses congés payés à son retour ;
- Ou obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice si son contrat de travail est rompu.
Et pour le fractionnement ?
Le ministère indique en effet que les congés payés reportés en raison de la maladie (on peut supposer aussi que cela est valable en cas de maladie professionnelle ou d’un accident du travail) permettent au salarié de bénéficier des jours de fractionnement.
Le ministère indique que les règles encadrant l’attribution des jours de fractionnement s’appliquent dans ce cas particulier.
Réponse ministère à question du parlementaire Le Fur n° 74829 (JO 19/10/2010)
Lire aussi : Congés payés reportés pour maladie, maternité donnent droit aux jours de fractionnement Actualité
M. Marc Le Fur, parlementaire UMP des Côtes d’Armor interroge M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le ...
Limite dans le report ?
Un arrêt de la CJUE marque une atténuation importante en matière de report de congés payés et de leur utilisation a posteriori (ou de leur indemnisation).
Il concerne un salarié allemand qui demande le paiement de ses congés annuels non pris au titre des années 2006,2007 et 2008 du fait d’une longue absence pour maladie.
L’employeur refuse d’effectuer le paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés, en retenant les dispositions conventionnelles applicables dans l’entreprise.
Ces dispositions indiquent en effet que les congés payés ne peuvent être reportés que dans un délai de 15 mois après l’expiration de l’année civile au titre de laquelle l’indemnité de congés payés est due.
La CJUE déboute le salarié de sa demande.
Elle estime en effet dans son arrêt que le droit à un cumul illimité des droits aux congés payés dénature l’esprit même du droit au congé annuel payé.
Les juges de la CJUE estiment dans leur arrêt que la limite conventionnelle de 15 mois pouvait être raisonnablement retenue, et qu’au-delà de cette limite le congé annuel payé est dépourvu de son effet positif en sa qualité de temps de repos.
Les conséquences
Elles sont importantes, car cet arrêt nuance et tempère grandement les arrêts prononcés précédemment.
En retenant ainsi une limite à la notion de report des congés payés, les juges de la CJUE considèrent que le droit aux congés payés n’est pas inaliénable.
Soyons certains que les juges de la Cour de cassation française risquent de suivre ce arrêt, comme ils le firent précédemment dans les arrêts de 2009.
On pourra alors véritablement parler de « date limite de report des congés payés ».
CJUE, 22 novembre 2011, KHS, affaire. C-214/10