Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 31 mars 2005, et exerce en dernier lieu les fonctions de responsable chargement confirmé.
Il saisit la juridiction prud'homale le 14 mars 2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le salarié, victime d'un accident du travail le 27 avril 2014, est déclaré inapte à l'issue de deux examens médicaux les 15 juin 2016 et 18 juillet 2016.
Il est licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 octobre 2016.
Il saisit la juridiction prud’homale estimant que nonobstant la résiliation judiciaire de son contrat produisant les effets d’un licenciement nul, il ouvre droit au paiement de l’indemnité spéciale de licenciement prévue en cas d’inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 18 septembre 2019, donne raison au salarié.
Cet arrêt est confirmé par la Cour de cassation qui apporte les précisions suivantes :
- Ayant été constaté que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail, après avoir saisi les prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat ;
- La résiliation judiciaire du contrat de travail ayant été prononcée ;
- Produisant les effets d'un licenciement nul;
- Mais ne pouvant priver le salarié de son droit de perception de son indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Ayant constaté que le salarié avait fait l'objet d'un licenciement en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail, la cour d'appel, qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement nul, a décidé à bon droit que l'employeur était redevable de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Le présent arrêt de la Cour de cassation abordant le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, rappelons quelques aspects « subtils » de l’articulation de cette rupture avec la période de préavis…
Le préavis
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel
Les conditions ont été modifiées suite à la publication de la loi 2012-387 du 22/03/2012 (Loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JO 23/03/2012).
Ainsi, lorsqu’un salarié fait l’objet d’un licenciement pour une inaptitude qui n’a pas d’origine professionnelle, le Code du travail indique que :
- Le préavis n’est pas exécuté ;
- Le contrat de travail est donc rompu à la notification du licenciement ;
- Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité;
- Aucune indemnité compensatrice de préavis n’est versée.
Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel
Dans ce cas précis, le salarié ne doit pas effectuer de préavis.
Il doit percevoir néanmoins :
- Une indemnité d’un montant égal à l’indemnité légale de préavis (article L 1226-14) ;
Article L1226-14
La rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.
Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.
Les dispositions du présent article ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l'emploi consécutive à l'accident du travail ou à la maladie professionnelle.
Article L1226-16
Les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.
- Cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité compensatrice de préavis.
Cour de cassation du 15/06/1999 arrêt 97-15328
- De ce fait, le salarié n’est pas en droit de demander le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis prévue par la Convention collective ;
- L’indemnité versée n’étant pas une indemnité compensatrice de préavis légale (même si la valeur est identique), la date de rupture du contrat de travail n’est pas repoussée ;
- L’indemnité d’une valeur égale à l’indemnité compensatrice de préavis sera calculée sur la base des 3 derniers mois de salaire (article L 1226-16 du Code du travail) ;
- Le montant de cette indemnité ne doit pas être pris en compte dans le calcul de l’indemnité compensatrice de congés payés.