Ne peuvent être utilisés comme preuve des enregistrements vidéo si les salariés ne sont pas au courant de cette surveillance

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Si l'employeur peut surveiller l'activité des salariés pendant le temps de travail, il n’est pas autorisé à utiliser comme preuve les enregistrements de vidéo-surveillance dont les intéressés n'ont pas été préalablement informés de l'existence.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 20 septembre 1994 en qualité de vendeur.
Il est licencié pour faute grave le 5 mars 2015, son employeur lui reprochant des pratiques de voyeurisme.

Extrait de l’arrêt :

Par courrier du 5 mars 2015, la société (…)  a notifié à M. [C] son licenciement pour faute grave au motif que l'une de ses collègues, Mme [X] [S], s'est plainte de pratiques de voyeurisme de sa part du 4 février 2015 dans les toilettes situées dans le couloir réservé aux stocks en compagnie de M. [P], qu'alors qu'elle était en train de retirer ses vêtements dans les toilettes, elle a vu un téléphone blanc glisser sous la porte, écran orienté vers le haut, afin manifestement de la photographier ou de la filmer. Elle précise que la salariée a hurlé et tapé sur la porte en se rhabillant précipitamment, et qu'après avoir consulté les enregistrements vidéos à la demande de l'entreprise, elle a vu M. [C] accompagné de M. [P] dans la zone des toilettes se livrant à des mouvements suspects et se préparant à se livrer aux faits dont elle précise avoir été victime. La société (…)a précisé que le visionnage des vidéos a confirmé les constatations de la salariée.

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Le salarié saisit la juridiction prud'homale le 8 décembre 2016 de différentes demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Il estime notamment que son employeur n’était pas en droit d’utiliser comme preuve les enregistrements d'un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de l’activité des salariés, alors que les intéressés n'avaient pas été préalablement informés de l'existence

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 07 novembre 2019, déboute le salarié.

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, estimant que : 

Vu l'article L. 1222-4 du code du travail :

  • Si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail ;
  • Il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n'ont pas été préalablement informés de l'existence

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1222-4 du code du travail :

  1. Il résulte de ce texte que si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d'un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité dont les intéressés n'ont pas été préalablement informés de l'existence.
  2. Pour dire que l'enregistrement du salarié par le système de vidéo-surveillance constituait un mode de preuve illicite, l'arrêt retient qu'à l'appui des griefs invoqués à l'encontre du salarié, la société verse aux débats plusieurs pièces dont certaines se rapportent au visionnage de la vidéo-surveillance installée dans l'entreprise, et que le salarié sollicite de la cour qu'elle écarte toutes les pièces se référant au visionnage des bandes de vidéo-surveillance en l'absence d'autorisation préfectorale, de consultation des représentants du personnel, d'information des salariés et de déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). L'arrêt énonce que s'il est constant que lorsqu'un système de vidéo-surveillance a été installé pour assurer la sécurité du magasin et non pour contrôler le salarié dans l'exercice de ses fonctions, celui-ci ne peut pas invoquer les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en oeuvre, dans une entreprise, des moyens et techniques de contrôle de l'activité des salariés. L'arrêt mentionne que si la société indique que le système de vidéo-surveillance a été installé dans un but de sécurisation de la zone de stockage qui n'était pas ouverte au public et du couloir y donnant accès, elle précise également que les caméras étaient disposées de telle sorte qu'elles permettaient de visualiser les portes de toilettes. L'arrêt relève que dans ces conditions, si la société n'avait pas à effectuer de déclaration auprès de la CNIL, ni à requérir une autorisation auprès de la préfecture, il lui incombait, en raison de l'accès des salariés au couloir permettant de se rendre dans un lieu de stockage et desservant les toilettes, de consulter préalablement à l'installation du système de vidéo-surveillance les instances représentatives du personnel et d'informer les employés, au moyen d'un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéo-surveillance, de l'existence du dispositif, du nom de son responsable, de la base légale du dispositif, à savoir sécuriser ses locaux, de la durée de conservation des images, de la possibilité d'adresser une réclamation à la CNIL, de la procédure à suivre pour demander l'accès aux enregistrements visuels les concernant, et également d'informer individuellement chaque salarié au moyen d'un avenant au contrat de travail ou d'une note de service. L'arrêt ajoute que la société ne démontre pas avoir satisfait à ces obligations.
  3. En se déterminant ainsi, sans constater que le système de vidéo-surveillance avait été utilisé pour contrôler le salarié dans l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

  1. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à verser au salarié différentes sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, et lui ordonnant de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement de sommes à titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. [C] les sommes de 1 045 euros au titre des heures supplémentaires et de 104,50 euros au titre des congés payés afférents, de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 7 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-10843

Commentaire de LégiSocial

Le présent arrêt de la Cour de cassation vous invite à consulter une de nos fiches pratiques consacrée à la surveillance des salariés au lien suivant :