Réduction unilatérale de la durée du travail : l’indemnité de licenciement se calcule sur des salaires à temps plein

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

En cas licenciement, l’indemnité est calculée par rapport au salaire de référence. Doit être pris en compte le salaire à temps plein, en cas de réduction unilatérale par l’employeur en lien avec un état de santé, ayant conduit à un licenciement nul.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de conseiller par une association, à compter du 1er avril 2005.

Elle est désignée déléguée syndical en mars 2009.
Une procédure de licenciement pour faute grave est engagée par l'employeur qui n'y a pas donné suite, après refus le 5 mars 2010 de l'autorisation de licenciement par l'inspecteur du travail.
Le 16 juin 2014, la salariée saisit la juridiction prud'homale aux fins notamment de résiliation judiciaire de son contrat de travail à raison de divers manquements de l'employeur.

En cours de procédure, elle est licenciée le 27 août 2014 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. 

La salariée conteste la valeur de l’indemnité de licenciement que lui verse son employeur, elle estime en effet que cette indemnité devrait être calculée :

  • Sur la base d’une activité à temps plein ;
  • Et non sur la base d’une activité réduite, suite à la modification unilatérale de sa durée du travail en lien avec son état de santé (licenciement ayant été considéré nul au passage dans la présente affaire).

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 17 octobre 2019, déboute la salariée de sa demande, indiquant à cette occasion que : 

« (…) l'indemnité de licenciement doit être calculée par rapport aux salaires perçus en dernier lieu, la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur étant compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture, que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement ainsi que pour l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents est de 1 291,53 euros par mois correspondant au mi-temps thérapeutique effectué ».

Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, rappelant que :

En cas licenciement :

  • L’indemnité doit être calculée par rapport aux salaires perçus en dernier lieu ;
  • Le salaire à prendre en compte étant le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler à temps plein sans la réduction d'activité imposée unilatéralement par l'employeur et en lien avec son état de santé.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, l'article R. 1234-4 du même code dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

  1. Pour limiter à une certaine somme l'indemnité de préavis, outre les congés payés afférents, et rejeter la demande en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement, après avoir déclaré le licenciement nul, le harcèlement moral ayant participé à l'état de santé à l'origine de l'inaptitude motivant le licenciement de la salariée, l'arrêt retient que l'indemnité de licenciement doit être calculée par rapport aux salaires perçus en dernier lieu, la perte subie du fait de l'état de santé imputable à l'employeur étant compensée au stade des dommages-intérêts réparant la rupture, que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement ainsi que pour l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés afférents est de 1 291,53 euros par mois correspondant au mi-temps thérapeutique effectué.
  1. En statuant ainsi, alors que le salaire à prendre en compte était le salaire qu'aurait perçu la salariée si elle avait continué à travailler à temps plein sans la réduction d'activité imposée unilatéralement par l'employeur et en lien avec son état de santé, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [M] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale et de ses demandes en paiement d'un complément d'indemnité de licenciement et en ce qu'il condamne la Mission locale du Val-d'Oise à verser à Mme [M] les sommes de 2 583,06 euros d'indemnité de préavis et de 258,30 euros d'indemnité de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-11228

Commentaire de LégiSocial

Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions concernant la détermination du salaire de référence à prendre en considération pour déterminer l’indemnité de licenciement. 

Le présent contenu est un extrait de notre fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique et consultable au lien suivant :

Détermination du « salaire de référence »

L’article 3 du décret 2017-1398 modifie l’article R 1234-4 du code du travail, confirmant la fixation du salaire de référence comme suit :

  • Le tiers des 3 derniers mois qui précédent la notification du licenciement ;
  • Le 1/12ème de la rémunération des 12 derniers mois qui précédent la notification du licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à 12 mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement.

 Article R1234-4

Modifié par Décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017 - art. 3

Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

NOTA : 

Conformément à l'article 4 du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements et mises à la retraite prononcés et aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à sa publication.

Cas particulier de « soit le tiers des trois derniers mois »

Le Code du travail ne précise pas quels sont les mois devant être pris en compte.

Il était d’usage de considérer que les 3 mois en question s’entendaient comme étant les 3 mois précédant le terme du préavis.

L’arrêt de la Cour de Cassation évoque les 3 ou 12 derniers mois qui précédent le licenciement, soit la notification !

La Cour de Cassation s’est prononcée en indiquant qu’il fallait comprendre que le calcul du salaire de référence se faisait sur

« Sur les 12 ou sur les 3 derniers mois précédant le licenciement »

(Cour de cassation 11/03/2009 arrêt 07-42209 D et arrêt 07-40146D) 

Exemples concrets

Ainsi le salarié dont le préavis se termine le 20 septembre N pour un licenciement notifié 21 juin N (3 mois de préavis), on retiendra alors :

  • Selon la méthode des « 3 mois » :

 (Somme des salaires bruts mars +avril+ mai N)/ 3 = salaire de référence 1

  • Selon la méthode des « 12 mois » :

 (Somme des salaires bruts juin 2014 à mai N)/12 = salaire de référence 2

  • Sera alors retenue la valeur maximale entre :

Salaire de référence 1 et salaire de référence 2.