Le cadre sans totale indépendance dans l’organisation du travail n’est pas un cadre dirigeant

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Ne saurait être considéré comme cadre dirigeant, le cadre qui ne bénéficie pas d’une totale indépendance dans l’organisation de son temps de travail.

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 9 mars 2009, en qualité de « managing director » de la division Investment banking.
il est licencié le 22 mai 2012 et, contestant la qualité de cadre dirigeant, saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes à caractère salarial ou indemnitaire. 

La cour d’appel de Paris, par arrêt du 30 octobre 2019, déboute le salarié de sa demande, relevant :

  • Que le salarié occupait une fonction de première importance au sein de l'entreprise ;
  • Et qu’il ne résultait d'aucun élément probant l'existence d'un manque d'autonomie ou de responsabilité l'obligeant à recevoir validation de sa hiérarchie de ses décisions ;
  • Et enfin qu’il avait été demandé à l'ensemble du personnel de remplir des feuilles de temps car il s'agissait d'un nouvel outil plus large de gestion des plannings et expertises. 

Cet arrêt est toutefois contesté par la Cour de cassation qui indique que : 

  • Ne saurait être débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires;
  • Au titre de son contrat de travail qui stipulait qu'au regard tant de sa rémunération que de l'importance de ses responsabilités, le salarié entrait dans la catégorie des cadres dirigeants au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail et ne serait donc pas soumis à l'essentiel de la réglementation sur la durée du travail ;
  • Sans vérifier qu’il jouissait réellement d’une totale indépendance dans l'organisation de son emploi du temps

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3111-2 du code du travail :

  1. Selon cet article, sont considérés comme cadres dirigeants les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.
  1. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que le contrat de travail stipulait qu'au regard tant de sa rémunération que de l'importance de ses responsabilités, le salarié entrait dans la catégorie des cadres dirigeants au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail et ne serait donc pas soumis à l'essentiel de la réglementation sur la durée du travail.
  1. L'arrêt ajoute que l'annexe 1 du contrat de travail détaillait ainsi les fonctions du salarié : « Le directeur de la division Investment Banking est responsable de la gestion des opérations locales et doit être au service des besoins des clients de (…)de la division Investment Banking. La stratégie à mettre en oeuvre devra être cohérente et conforme à la stratégie globale du groupe. Le managing director de la division Investment Banking est responsable du développement et de la mise en oeuvre de solutions efficaces et innovantes aux problèmes rencontrés en définissant des objectifs réalistes et pragmatiques, et en concevant des stratégies efficaces et des plans d'action logiques pour la division Investment Banking... »
  1. L'arrêt en déduit que le salarié occupait une fonction de première importance au sein de l'entreprise et relève qu'il ne résulte d'aucun élément probant l'existence d'un manque d'autonomie ou de responsabilité l'obligeant à recevoir validation de sa hiérarchie de ses décisions. Il relève, enfin qu'il avait été demandé à l'ensemble du personnel de remplir des feuilles de temps car il s'agissait d'un nouvel outil plus large de gestion des plannings et expertises.
  1. En se déterminant ainsi, sans caractériser que, dans l'exercice de ses fonctions, le salarié était effectivement habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [I] de sa demande tendant à la condamnation de la société (…) au paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; 

Cour de cassation du , pourvoi n°19-26264

Commentaire de LégiSocial

Dans la présente affaire, ainsi qu’elle le fait régulièrement, la Cour de cassation rappelle les termes de l’article L 3111-2 du code du travail, qui stipule que sont considérés comme cadres dirigeants :

  1. Les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps ;
  2. Les cadres habilités à prendre des décisions de façon largement autonome ;
  3. Et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Article L3111-2

Version en vigueur depuis le 01 mai 2008

Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III.

Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.