Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité de responsable événementiel à compter du 1er septembre 2008, puis affectée au poste de responsable administrative et financière le 1er janvier 2009.
La salariée a été en congé maladie puis en congé de maternité à compter du 15 avril 2016 jusqu'au 17 décembre 2016. Convoquée le 28 décembre 2016 à un entretien préalable qui s'est tenu le 12 janvier 2017, elle est licenciée pour faute grave le 20 janvier 2017, mais saisit, le 26 mai 2017, la juridiction prud'homale.
Elle estime en effet que son employeur n’était pas en droit de prononcer la rupture du contrat de travail, s’estimant à l’époque bénéficiaire d’une protection absolue.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Chambéry, par arrêt du 27 août 2019, donne raison à la salariée.
Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Grenoble.
A l’occasion de cet arrêt, la Cour de cassation rappelle que :
- Pendant les 10 semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail liées au congé maternité;
- L’employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ;
- La salariée ne bénéficiant alors plus d’une protection absolue.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1225-4 du code du travail dans sa rédaction issue la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
- Aux termes de ce texte, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
- Il en résulte que pendant les dix semaines suivant l'expiration des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l'état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement.
- Pour dire le licenciement nul et condamner l'employeur à payer diverses sommes à la salariée, l'arrêt retient, après avoir constaté que le congé de maternité de la salariée s'était terminé le 17 décembre 2016, qu'il résulte de l'article L. 1225-4 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
- En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le congé de maternité avait pris fin le 17 décembre 2016, de sorte que l'employeur pouvait rompre le contrat de travail s'il justifiait d'une faute grave de l'intéressée non liée à son état de grossesse, et qu'il lui appartenait en conséquence de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le licenciement était justifié par une telle faute, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la demande en nullité du licenciement n'est pas une demande nouvelle, l'arrêt rendu le 27 août 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire est pour nous l’occasion de rappeler quelques notions fondamentales concernant la protection « relative » ou « absolue » dont bénéficie une salariée enceinte ou durant son congé de maternité.
La protection « relative » de la salariée enceinte
La définition
Pendant une période que l’on nomme « protection relative », la rupture du contrat de travail par l’employeur ne peut pas avoir lieu sauf pour les cas suivants :
- Faute grave ou lourde non liée à l’état de grossesse de la salariée ;
- Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple)
Une période de protection de 10 semaines
La loi travail apporte plusieurs modifications importantes, comme suit :
- La période de protection relative est portée de 4 à 10 semaines (suivant expiration congé maternité) ;
- Le début de cette période de protection relative est repoussé en cas de prise des congés payés immédiatement après le congé de maternité.
Article L1225-4
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 10
Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
Pour qu’il y ait protection, il doit y avoir déclaration
Tout ce qui suit et concerne la protection de la salariée enceinte ou ayant accouché, implique l’obligation pour la salariée de déclarer son état de grossesse.
Article L1225-2
La femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions légales relatives à la protection de la femme enceinte.
Article R1225-1
Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
Pour bénéficier de la protection de la grossesse et de la maternité, prévue aux articles L. 1225-1 et suivants, la salariée remet contre récépissé ou envoie par lettre recommandée avec avis de réception à son employeur un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ou la date effective de celui-ci, ainsi que, s'il y a lieu, l'existence et la durée prévisible de son état pathologique nécessitant un allongement de la période de suspension de son contrat de travail.
Positionnement de la période de « protection relative »
Avant l’annonce « état de grossesse médicalement constatée » | Annonce « état de grossesse médicalement constatée » | Début congé maternité |
Régime de droit commun, pas de protection en lien avec la grossesse | Protection relative |
Cas particulier des 4 semaines de « pathologie postnatale »
La protection relative concerne les 10 semaines suivant l’accouchement (dans lesquelles se situent les 4 semaines de « pathologie postnatale » prévues à l’article L 1225-21) qui pourtant font partie du congé de maternité !!
Article L1225-21
Lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci.
Protection « absolue » de la salariée enceinte
Pour qu’il y ait protection, il doit y avoir déclaration et congé de maternité
Tout ce qui suit et concerne la protection de la salariée enceinte ou ayant accouché, implique l’obligation pour la salariée de déclarer son état de grossesse médicalement constatée.
Interdiction formelle du licenciement
En vertu de l’article L 1225-4 du Code du travail, le licenciement ne peut prendre être signifié ni prendre effet pendant la période du congé de maternité donc pendant la période dite « protection absolue ».
Cela concerne tous les licenciements, y compris ceux prononcés pour :
- Faute grave ou lourde non liée à l’état de grossesse de la salariée ;
- Impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse (en cas de licenciement économique par exemple)
Article L1225-4
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 10
Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l'expiration de ces périodes.
Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
La protection « absolue » : précisions sur les périodes concernées
Même s’il est fondé sur une faute grave ou sur l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la maternité, le licenciement ne peut en aucun cas être notifié ni prendre effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a droit au titre du congé de maternité, c'est-à-dire pendant :
- 16 semaines (congé simple) ;
- Ou 26 semaines (lorsque l’assurée ou le ménage assume déjà la charge d’au moins 2 enfants ou l’assurée a déjà mis au monde au moins 2 enfants nés viables) ;
- Ou 34 semaines (en cas de grossesse gémellaire) ;
- Ou 46 semaines (en cas de grossesse concernant des triplés ou plus)
L’employeur peut engager la procédure de licenciement mais il pourra uniquement :
- Convoquer la salariée enceinte à un entretien préalable ;
- La notification du licenciement (envoi de la lettre recommandée) et la rupture du contrat de travail ne devront pas intervenir pendant le congé de maternité (c'est-à-dire pendant la suspension du contrat de travail).
Nouveauté de la loi travail : les congés payés pris immédiatement après le congé de maternité bénéficient de la période de protection absolue (au même titre que le congé de maternité, hors semaines pathologique postnatal).
Articulation protection « relative » et « absolue »
Cette période correspond au congé de maternité à l’exclusion de 4 semaines « pathologie postnatale »
Un arrêt récent de la Cour de cassation (17/02/2010) a confirmé que ces 4 semaines ne faisaient pas partie de la période de protection absolue
Avant l’annonce « état de grossesse médicalement constatée » | Annonce « état de grossesse médicalement constatée » | Congé maternité | |
Régime de droit commun, pas de protection en lien avec la grossesse | Protection relative | Protection absolue (sauf 4 semaines pathologiques) | Protection relative (4 semaines pathologiques) |