Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'agent d'entretien, le 2 septembre 1998, et exerce en dernier lieu les fonctions de conducteur de travaux.
Il saisit la juridiction prud'homale le 13 avril 2016 d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif notamment du non-paiement d'heures supplémentaires.
Il est finalement licencié pour faute grave le 18 octobre 2016.
La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 29 janvier 2020, déboute le salarié de sa demande de rappel de salaires.
Elle retient pour cela le fait que :
- Le manquement tenant au défaut de paiement d'heures supplémentaires doit être écarté ;
- Compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l'employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu'un éventuel contentieux résiduel sur ce point n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail.
Mais le salarié insiste et se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, indiquant :
- Qu’il résultait de ses constatations que l'employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail.
En conséquence, la Cour de cassation rappelle que :
- Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement;
- Le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée ;
- Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail, et 1184 du code civil, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
- Il résulte de ces textes que lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.
- Pour débouter le salarié de sa demande de résiliation judiciaire et de ses demandes de paiement de diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le manquement tenant au défaut de paiement d'heures supplémentaires doit être écarté, compte tenu notamment de la démarche de régularisation effectuée par l'employeur avant même que le conseil ne statue, de sorte qu'un éventuel contentieux résiduel sur ce point n'empêchait pas la poursuite du contrat de travail.
- En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur avait régularisé le paiement des heures supplémentaires postérieurement à la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
- La cassation prononcée sur le deuxième moyen n'atteint pas le chef de dispositif visé par ce même moyen déboutant le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et de sa demande au titre de l'indemnité de travail dissimulé, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Commentaire de LégiSocial
La résiliation judiciaire du contrat de travail est régulièrement abordée par la Cour de cassation, voici un rappel de quelques affaires à ce propos, traitées sur notre site….
Thématiques | Références |
Heures supplémentaires non payées peuvent justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail | Cour de cassation du 4 mai 2011, pourvoi n° 10-14586 D Lire aussi : Heures supplémentaires non payées peuvent justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail JurisprudenceUne salariée est engagée en qualité de secrétaire sténodactylo le 11/03/1991. Considérant que des heures supplémentaires lui sont dues, elle saisit le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir la résiliation ... |
Une modification unilatérale du contrat de travail justifie sa résiliation judiciaire | Cour de cassation du 6 février 2019, pourvoi n° 17-26562 Lire aussi : Une modification unilatérale du contrat de travail justifie sa résiliation judiciaire JurisprudenceModifier de façon unilatérale la rémunération d’un salarié, sans avoir obtenu au préalable son accord, peut avoir des conséquences fâcheuses comme le rappelle le présent arrêt de la Cour de cassation. |
Ne pas fournir du travail conduit à la résiliation judiciaire du contrat | Cour de cassation du 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-15947 Lire aussi : Ne pas fournir du travail conduit à la résiliation judiciaire du contrat JurisprudenceTout employeur a l’obligation de fournir du travail à son salarié, faute de quoi, le salarié ouvre droit à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, lorsque celui-ci n’a pas procédé à son licenciement. |
S’adresser à son salarié en manquant de respect peut justifier la résiliation judiciaire du contrat | Cour de cassation du 18 mars 2020, pourvoi n° 18-25168 Lire aussi : S'adresser à son salarié en manquant de respect peut justifier la résiliation judiciaire du contrat JurisprudenceConstatant que l'employeur s'était, à plusieurs reprises, adressé au salarié dans des conditions bafouant son droit au respect, il s’en déduisait un manquement grave justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. |
Maintenir un salarié inapte en inactivité forcée justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail | Cour de cassation du 4 novembre 2021, pourvoi n° 19-18908 Lire aussi : Maintenir un salarié inapte en inactivité forcée justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail JurisprudenceLe salarié inapte et en attente de reclassement ou de licenciement, maintenu dans l’entreprise par l’employeur dans une situation d'inactivité forcée, ouvre droit à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur. |