Contexte de l'affaire
L’affaire présente concerne 2 salariés, engagés en qualité d'ingénieur consultant, statut cadre.
La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, est applicable aux relations de travail.
Le 1er février 2016, les salariés saisissent la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de leur contrat de travail, considérant notamment que la clause de loyauté comprise dans le contrat de travail devait être considérée comme nulle.
2 organisations syndicales sont intervenues volontairement à l'instance.
Finalement, un salarié quitte les effectifs de la société le 15 décembre 2017, et la seconde le 30 juillet 2017.
La cour d'appel de Lyon, par arrêt du 03 juillet 2020, considère que l’action en lien avec la clause de loyauté doit être considérée comme prescrite.
Selon elle, cette clause s'est manifestée « au titulaire du droit lors de la signature de son contrat de travail contenant ladite clause, date à laquelle il a eu connaissance de la clause litigieuse, et non pas à la fin de la relation contractuelle ».
Toutefois, la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.
Les juges indiquent à cette occasion que :
- Le dommage causé par la stipulation d'une clause de loyauté illicite ;
- Ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en œuvre ;
- De sorte que c’est à compter de cette date que court l’action en responsabilité civile de l’employeur.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil :
- Il résulte de ce texte que la prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
- Pour déclarer prescrite l'action des salariés, les arrêts après avoir énoncé qu'en application de l'article 2224 du code civil, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle le dommage se manifeste au titulaire du droit, retiennent que le préjudice allégué, à savoir la restriction des possibilités du salarié de rechercher du travail du fait de l'application d'une clause dite de loyauté qui serait nulle, s'est manifesté au titulaire du droit lors de la signature de son contrat de travail contenant ladite clause, date à laquelle il a eu connaissance de la clause litigieuse, et non pas à la fin de la relation contractuelle. Les arrêts ajoutent que c'est en effet à n'importe quel moment de l'exécution du contrat que le salarié peut être amené à rechercher un nouvel emploi, recherche pouvant être limitée du fait de la clause litigieuse. Ayant constaté qu'il s'était écoulé plus de cinq ans entre la signature du contrat de travail et la date de saisine de la juridiction prud'homale, ils en déduisent que l'action des salariés en réparation est prescrite.
- En statuant ainsi, alors que le dommage causé par la stipulation d'une clause de loyauté illicite ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en oeuvre, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déclarent prescrite l'action indemnitaire fondée sur l'application de la clause de loyauté, les arrêts rendus le 3 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ce point, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La notion de « loyauté » a été abordé plusieurs fois par la Cour de cassation, voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site.
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