Clause de mobilité et délai de prévenance suffisant

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Une cour d’appel ne saurait admettre le licenciement pour faute grave d’un salarié, sans rechercher si l'absence de bonne foi de l'employeur dans la mise en œuvre de la clause ne résultait pas du non-respect d’un délai de prévenance suffisant.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée à compter du 4 juillet 1977, occupant en dernier lieu les fonctions d'hôtesse d'accueil.

Elle est licenciée pour faute grave le 16 janvier 2013, mais décide de saisir la juridiction prud'homale. 

Son licenciement, fondé sur son refus d’application de la clause de mobilité, devait être considéré infondé, retenant que son employeur lui avait laissé un délai de prévenance insuffisant, compte tenu notamment des difficultés de transport dont l’employeur avait été informé. 

La cour d'appel de Paris, par arrêt du 25 octobre 2018, déboute la salariée de sa demande, estimant présentement que la salariée avait fait preuve d’un comportement d'insubordination, en refusant son affectation sur un autre site.

La Cour de cassation ne partage pas du tout cet avis, elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée. 

Les juges indiquent à cette occasion que : 

  • Une cour d’appel ne saurait reconnaître fondé le licenciement pour faute grave d’un salarié ;
  • Sans rechercher, si l'absence de bonne foi de l'employeur dans la mise en œuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait qu'il n'avait pas respecté un délai de prévenance suffisant, en informant la salariée le 4 décembre qu'elle devait se présenter le 6 décembre suivant sur son nouveau site d'affectation ;
  • Sans tenir compte de ses difficultés de transport dont il avait été informé

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

  1. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun et peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter. Selon le second, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.
  2. Pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient qu'il est reproché à la salariée d'avoir adopté un comportement d'insubordination caractérisé par des rapports conflictuels avec sa hiérarchie et plus particulièrement d'avoir refusé de rejoindre son nouveau poste de travail au centre de [Localité 3] dès le 6 décembre 2012. Il ajoute que la consigne a été donnée le 4 décembre 2012 à l'intéressée de rejoindre son poste de travail au centre de [Localité 3] le 6 décembre suivant et que la clause de mobilité qui autorisait l'employeur à procéder à cette affectation a été mise en oeuvre pour parer aux difficultés d'ordre relationnel entre l'intéressée et ses collègues de travail, élément objectif qui trouve son origine dans l'attitude adoptée par la salariée qui a refusé cette consigne de mobilité en se maintenant à son poste au centre des (…) et ne peut être analysée, contrairement à ce qu'elle allègue, comme les manifestations de brimades de la part de son employeur.
  3. En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il lui était demandé, si l'absence de bonne foi de l'employeur dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité ne résultait pas du fait qu'il n'avait pas respecté un délai de prévenance suffisant, en informant la salariée le 4 décembre qu'elle devait se présenter le 6 décembre suivant sur son nouveau site d'affectation, sans tenir compte de ses difficultés de transport dont il avait été informé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement fondé sur une faute grave et déboute Mme [B] de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 25 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°19-13361

Commentaire de LégiSocial

Nombreuses sont les affaires abordées par la Cour de cassation concernant l’application de la clause de mobilité, rappelons les notions fondamentales concernant cette clause particulière du contrat de travail.

Principe et objectif

Cette clause permet à l’employeur de se réserver la possibilité de modifier le lieu de travail du salarié et cela sans son accord.

  • La mutation du salarié = modification des modalités d’exécution du contrat de travail ;
  • Le refus du salarié= sanction disciplinaire qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave. 

Conditions de validité ?

On peut dénombrer 7 conditions de validité à respecter afin que cette clause soit reconnue et porte ses effets : 

  1. Être indiquée sur le contrat de travail 
  2. Préciser une zone géographique 
  3. Respecter les dispositions conventionnelles 
  4. Ne pas faire l’objet d’un changement unilatéral  
  5. Ne pas prévoir la rupture automatique du contrat 
  6. Être conforme aux intérêts légitimes de l’entreprise 
  7. Respecter un délai de prévenance

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Elle est consultable au lien suivant :