Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, le 1er février 2011, par une société de services informatiques, en qualité de technicien d'exploitation.
A ce titre, il exécute des missions au sein de sociétés clientes, en 3x8 et en horaires de nuit.
Le salarié bénéficie d'un congé individuel de formation du 3 novembre 2014 au 23 octobre 2015.
Le 22 mars 2016, il est licencié pour faute en raison de son refus d'exécuter les deux ordres de missions en horaires de jour lui ayant été soumis lors de son retour.
Le 31 mai 2016, il saisit la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
La cour d'appel de Toulouse, par arrêt du 20 décembre 2019, déboute le salarié de sa demande, considérant que son licenciement est licite.
L’argument de la cour d’appel repose sur les aspects suivants :
Dans l’affaire présente :
- Le contrat de travail du salarié comportait la définition du secteur géographique d'activité sans aucune mention sur une éventuelle affectation prioritaire sur des postes en 3x8 ou en travail de nuit ;
- De sorte que le salarié ne pouvait se prévaloir d'une pratique selon laquelle il était régulièrement affecté sur des missions en 3x8 ou en travail de nuit avant son congé individuel de formation pour revendiquer une affectation exclusive sur de telles missions à compter de son retour ;
- Et qu’en conséquence, les deux refus successifs de missions opposés par le salarié à son employeur, sans motif légitime, constituent une faute justifiant la rupture du contrat de travail.
Mais la Cour de cassation ne partage pas du tout l’avis de la cour d’appel.
Elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.
Pour les juges :
- Il était constaté que, du 1er février 2011, date de son engagement, au 3 novembre 2014, date du début de son congé individuel de formation, le salarié avait été affecté sur des missions en 3x8 et en horaires de nuit ;
- En sorte que son affectation sur des missions en horaires de journée constituait une modification du contrat de travail qu'il était en droit de refuser.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail :
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Le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ou d'un horaire de nuit à un horaire de jour, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié.
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Pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, l'arrêt relève que son contrat de travail comporte la définition du secteur géographique d'activité sans aucune mention sur une éventuelle affectation prioritaire sur des postes en 3x8 ou en travail de nuit.
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Il énonce que le salarié ne peut se prévaloir d'une pratique selon laquelle il était régulièrement affecté sur des missions en 3x8 ou en travail de nuit avant son congé individuel de formation pour revendiquer une affectation exclusive sur de telles missions à compter de son retour dans la mesure où, d'une part, l'existence de telles missions est subordonnée à l'activité économique de l'entreprise en particulier les besoins de la clientèle et où, d'autre part, il relève du pouvoir de direction de l'employeur de décider d'affecter tel ou tel collaborateur sur une mission plutôt qu'une autre en fonction des compétences de chacun, la seule limite étant l'abus dans l'exercice de ce pouvoir de direction. Il ajoute qu'il s'agit par nature de missions temporaires, et non de l'affectation pérenne d'un salarié sur un poste de travail de jour ou de nuit.
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Il constate encore que les deux missions proposées au salarié au profit d'un client à [Localité 3] en horaires de journée correspondaient à la fois aux prévisions contractuelles quant au périmètre d'affectation et quant au poste occupé, et aux compétences professionnelles de l'intéressé.
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Il retient qu'en conséquence, les deux refus successifs de missions opposés par le salarié à son employeur, sans motif légitime, constituent une faute justifiant la rupture du contrat de travail.
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En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, du 1er février 2011, date de son engagement, au 3 novembre 2014, date du début de son congé individuel de formation, le salarié avait été affecté sur des missions en 3x8 et en horaires de nuit, en sorte que son affectation sur des missions en horaires de journée constituait une modification du contrat de travail qu'il était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Commentaire de LégiSocial
Commentaires
La présente affaire aborde la situation particulière du « travail de nuit ».
Rappelons quelques notions à ce sujet…
Thème | Référence article code du travail | Contenu |
Recours au travail de nuit | L 3122-1 (ordre public) |
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Mise en place | L 3122-15 (champ négociation collective) | Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit, ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés. Cette convention ou cet accord collectif prévoit :
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Les informations qui vous sont ici communiquées sont extraites de notre fiche pratique consacrée à cette thématique, avec beaucoup plus de détails…
Elle est consultable au lien suivant :
Lire aussi : Le travail de nuit et de soirée en 2024 Fiche pratique
Grandement modifié par la loi travail et les ordonnances Macron, le travail de nuit (et de soirée) obéit à des règles très particulières.