Faits fautifs nouveaux après entretien préalable : le délai pour notifier débute au nouvel entretien

Jurisprudence
Paie Licenciement

Lorsque de nouveaux faits fautifs nouveaux se révèlent après un entretien préalable, et qu’un nouvel entretien se déroule, c’est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois imparti pour notifier la sanction.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée le 5 septembre 2001 par un hôtel en qualité de directrice adjointe.
Après avoir été convoquée le 27 avril 2015 à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 11 mai 2015, elle a été convoquée le 22 mai 2015 à un nouvel entretien prévu le 3 juin suivant, son employeur se prévalant de la découverte de nouveaux faits.
Licenciée par lettre du 19 juin 2015, elle saisit la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement, considérant notamment que son licenciement disciplinaire lui a été notifié plus d’un mois après la tenue de l’entretien préalable. 

Par arrêt du 30 septembre 2020, la cour d'appel de Versailles donne raison à la salariée, considérant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

Elle indique en effet, que le non-respect du délai entre l’entretien préalable et la notification du licenciement rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Elle retient pour cela la date du 1er entretien, soit le 11 mai 2015, indiquant que le licenciement devait intervenir au plus tard le 11 juin 2015 

Mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation n’approuve pas le raisonnement de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que :

  • Lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable ;
  • L’employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable;
  • C’est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1332-2 du code du travail :

  1. Il résulte de ce texte que lorsqu'en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable, l'employeur adresse au salarié, dans le délai d'un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c'est à compter de la date de ce dernier que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction.
  2. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse et condamner l'employeur à verser à la salariée une somme à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que le délai d'un mois imparti à l'employeur pour notifier le licenciement disciplinaire est impératif et commence à courir à compter du jour fixé pour l'entretien, que ce jour correspond au 11 mai 2015 de sorte que la notification du licenciement devait intervenir au plus tard le 11 juin 2015, que le non-respect de ce délai rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il retient ensuite qu'il en va de même si l'employeur, invoquant de nouveaux griefs à la suite du premier entretien, convoque le salarié à un second entretien ; qu'en pareil cas, seul le premier entretien fait courir le délai de notification et que la rupture est intervenue par lettre de licenciement du 19 juin 2015 et, par conséquence, en dehors des délais impératifs prescrits par la loi.
  3. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

  1. La cassation des chefs de dispositif condamnant la société (…) à verser à Mme (…) diverses sommes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société (…) aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle sérieuse et condamné la société (…) à verser à Mme (…), la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-22364

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de l’affaire présente pour apporter un focus sur le délai devant séparer l’entretien préalable de la notification du licenciement.

Un délai minimum de 2 jours ouvrables

  • L’employeur doit respecter le délai de deux jours ouvrables après la date prévue de l’entretien au licenciement auquel le salarié a été convoqué ;

Article L1232-6

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles que l'employeur peut utiliser pour procéder à la notification du licenciement.

Exemples

Date de l’entretien

Les 2 jours ouvrables 

Date d’expédition lettre de licenciement

Lundi

Mardi +Mercredi

Jeudi

Mardi

Mercredi+ Jeudi

Vendredi

Mercredi

Jeudi+ Vendredi

Samedi

Jeudi

Vendredi+ Samedi+ dimanche

Lundi

Vendredi

Samedi+ dimanche+ lundi

Mardi

Samedi

Dimanche+ lundi+ Mardi

mercredi

Article L1332-2

Modifié par LOI n°2012-387 du 22 mars 2012 - art. 48

Lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

Un délai maximum d’un mois

  • Pour un licenciement disciplinaire, le délai maximum est d’un mois (pour un autre motif le code du travail n’impose pas de délai maximum).

Quel délai en cas de report ?

Délai en cas de report à la demande du salarié

Le délai « d’un mois » en cas de licenciement disciplinaire et d’entretien préalable reporté :

  • Report à la demande du salarié : lorsque l'entretien a été reporté à la demande du salarié (et avec l'accord bien sûr de l'employeur), c'est la date du second entretien qui sert de point de départ pour le calcul du délai d'un mois.

Cour de cassation du 16/03/2004, pourvoi n° 01-43111 (demande expresse du salarié) 

Cour de cassation du 7/06/2006, pourvoi n°04-43819 (impossibilité de se présenter en raison d’un arrêt maladie)

Délai en cas de report à la demande de l’employeur

Report à la demande de l’employeur : en cas de report de la seule initiative de l’employeur, le point de départ du délai de notification reste celui qui est calculé selon la date de l’entretien initialement prévue.

Arrêt Cour de cassation du 23/01/2013, pourvoi n°11-22724 (absence du salarié lors du 1er entretien) 

Arrêt Cour de cassation du 20/05/2014, pourvoi n°12-28046 (le salarié ne retire pas sa lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable)