Le fait de ne pas respecter l’ordre des licenciement économiques ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse

Jurisprudence
Paie Indemnité de licenciement

L’inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, notamment les critères d’ordre, ne peut avoir pour effet de priver le licenciement d'une cause réelle et sérieuse, mais ouvre droit à dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

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Contexte de l'affaire

L’affaire présente concerne une entreprise qui, dans le cadre d'un projet de réorganisation, a établi un PSE, qui a été homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) le 2 juin 2015.

Ce plan prévoit notamment la suppression des 61 postes d'attachés commerciaux, regroupés au sein d'une même catégorie professionnelle et la création de 35 postes d'ingénieurs commerciaux, devant être proposés en reclassement aux salariés occupant les postes supprimés.

Plusieurs salariés, occupant les fonctions d'attaché commercial, licenciés le 15 juillet 2015, saisissent la juridiction prud'homale afin de contester leur licenciement et obtenir le paiement de dommages-intérêts, à titre principal, pour licenciement abusif et, à titre subsidiaire, pour non-respect des critères d'ordre. 

La cour d'appel d'Orléans, par arrêt du 30 juillet 2020, donne raison aux salariés, estimant que: 

  • Lorsque les critères d'ordre des licenciements fixés dans un plan de sauvegarde de l'emploi figurent dans un document unilatéral élaboré par l'employeur sur le fondement de l'article L. 1233-24-4, ne respectent pas les dispositions légales ;
  • Cela a pour conséquence alors, de priver les licenciements de cause réelle et sérieuse. 

La Cour de cassation ne partage pas cet avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée

La Cour de cassation indique à cette occasion que :

  • Ayant été constaté l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, en s’abstenant d’appliquer les critères d’ordre fixés pour déterminer les salariés pouvant être licenciés ;
  • Une cour d’appel ne pouvait en conclure que cela avait pour effet de priver le licenciement d'une cause réelle et sérieuse ;
  • Mais donne lieu à l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi du salarié.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-5 du code du travail :
10. Il résulte de ces textes que l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement d'une cause réelle et sérieuse mais donne lieu à l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi du salarié.
11. Pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer des dommages-intérêts à ce titre, les arrêts énoncent que les postes d'attaché commercial n'ont pas été supprimés, les missions dévolues aux nouveaux ingénieurs commerciaux étant celles occupées par chacun des salariés avant le licenciement et que ceux-ci démontrent d'ailleurs que l'employeur avait envisagé de les recruter sur l'un des postes d'ingénieur commercial nouvellement créés puisqu'ils avaient été reçus par un cabinet de recrutement le 28 mai 2015.
12. Ils soulignent également qu'en mettant en avant que, dans sa nouvelle organisation, le nombre d'ingénieurs commerciaux (…) était inférieur au nombre initial d'attachés commerciaux, la société reconnaît implicitement qu'elle était confrontée à un problème de sureffectif.
13. Ils en concluent que, faute pour l'employeur de justifier de la suppression effective du poste occupé par chacun des salariés et sans qu'il soit besoin d'examiner la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise ou encore le respect de son obligation de reclassement, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur n'avait effectivement pas supprimé tous les postes au sein de la catégorie professionnelle à laquelle les salariés appartenaient mais seulement un certain nombre puisque le nombre de postes créés, dont les fonctions étaient identiques à celles des postes supprimés, était inférieur au nombre initial de postes d'attachés commerciaux, ce dont il résultait que l'employeur avait méconnu les règles relatives à l'ordre des licenciements en s'abstenant d'appliquer les critères d'ordre fixés pour déterminer les salariés licenciables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnent la société (…)  à payer à chaque salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, ordonnent à la société (…)  en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, de rembourser à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à la suite des licenciements, dans la limite de six mois, condamnent la société (…) à payer à chaque salarié une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa propre demande d'indemnité de procédure, les arrêts rendus le 30 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-20567

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire abordant le licenciement économique, est pour nous l’occasion de rappeler les 4 grandes modifications qui ont été apportées au dispositif par les ordonnances dites « Macron » comme suit :

Thèmes

Contenus

Délai de contestation

Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit dans le délai de 12 mois à compter :

  • De la dernière réunion du CSE ;
  • Ou de la notification de licenciement, dans le cadre de l’exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement économique.

Attention : Ce délai n’est opposable au salarié que s’il a été mentionné dans la lettre de licenciement.

Article L1235-7

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité social et économique ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu'une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

Périmètre appréciation

2 situations sont alors à envisager comme suit, selon les termes de l’article L 1233-3 du code du travail, modifié récemment par 2 articles de l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 :

Situation 1 : l’entreprise appartient à un groupe

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient alors :

·       Au niveau du secteur d'activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national

Dans ce cas, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, le groupe est alors constitué de cette entreprise ainsi que des entreprises qu’elle contrôle.

Si le siège social n’est pas situé sur le territoire français, le groupe est alors constitué des entreprises implantées en France.

Enfin, le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Situation 2 : l’entreprise n’appartient pas à un groupe

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise.

Article L1233-3

Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11

Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.

Obligation reclassement

Sur ce point précis, il convient de se rapprocher de l’article L 1233-4 du code du travail, modifié récemment par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017.

  • Efforts de formation et d’adaptation

Selon l’article précité, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

  • Reclassement et emplois concernés

Le reclassement du salarié s'effectue :

  • Sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ;
  • Ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente.

À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Communication offres de reclassement

Sur ce point précis, l’article L 1233-4 du code du travail indique que :

  • L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
  • Ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés ;
  • Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Article L1233-4

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

NOTA : 

Conformément à l'article 40 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

V.- Ces dispositions sont applicables aux procédures de licenciement économique engagées après la publication de ladite ordonnance.

X. - Les dispositions nécessitant des mesures d'application entrent en vigueur à la date de publication des décrets d'application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

Critère ordre licenciements

Cet aspect est abordé dans l’article L 1233-5 du code du travail, modifié récemment par l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 et son article 18.

L’employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent notamment en compte :

1.   Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2.   L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3.   La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4.   Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Nota : l'employeur peut privilégier 1 de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des 4 autres critères.

Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.

En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi.


Article L1233-5

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article.

Le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif.

En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emplois.

Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-V de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux procédures de licenciement économique engagées après la publication de ladite ordonnance.

Conformément à l'article 40-X, ces dispositions entrent en vigueur à la date de publication du décret d'application, et au plus tard le 1er janvier 2018.