Prévoyance : l’entreprise doit distinguer le régime couvrant l’obligation conventionnelle de celui qui va au-delà

Jurisprudence
Paie Maintien employeur pour maladie, accident du travail, maladie professionnelle

En cas de régime de prévoyance couvrant d’une part son obligation conventionnelle et d’autre part une couverture allant au-delà de cette obligation conventionnelle, l’employeur doit alors distinguer 2 catégories de contributions patronales.

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

La présente affaire une entreprise, qui à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, se voit notifiée par l'URSSAF un redressement portant notamment sur la réintégration, dans l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et du forfait social, des sommes versées au titre du régime de prévoyance complémentaire pour le financement du maintien des salaires.

La société saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale.


Par arrêt du 8 janvier 2020, la cour d'appel d'Aix-en-Provence de Dijon donne raison à l’entreprise, considérant que le redressement notifié par l’URSSAF devait être annulé.

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, apportant à cette occasion les arguments suivants : 

Ayant été relevé que l’entreprise était dotée d’un régime de prévoyance qui couvrait :

  • D’une part son obligation conventionnelle ;
  • Mais également d’une couverture allant au-delà de cette obligation conventionnelle. 

L’employeur devait alors distinguer les 2 catégories de contributions patronales :

  • La 1ère catégorie correspondant à l’obligation conventionnelle bénéficiant d’une exonération de contributions CSG et CRDS;
  • Et la 2ème catégorie, couvrant au-delà de l’obligation conventionnelle, qui au titre d’un véritable régime complémentaire, devait être ajoutée à la base de calcul des contributions CSG et CRDS (NDLR : sans abattement) et du forfait social.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 136-2, II, 4°, et L. 242-1 du code de la sécurité sociale, 14.1 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, dans leur rédaction applicable au litige, et les articles 84 et 85.1 de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 :

  1. Selon les premier et troisième de ces textes, sont incluses dans l'assiette de la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement perçue au titre de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, à l'exception de celles visées au cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de celles destinées au financement des régimes de retraite visés au I de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale.
  1. Pour décider que les sommes versées par l'employeur, au titre de la contribution patronale de prévoyance complémentaire, n'étaient pas assujetties à la CSG et à la CRDS, l'arrêt relève que la (…) entrait dans le champ d'application de la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002, qui prévoit, notamment en son article 84, une garantie de ressources en cas d'incapacité temporaire de travail et invalidité permanente-décès, applicable à tous les salariés non-cadres et cadres, sans condition d'ancienneté, chaque arrêt de travail pour maladie devant être indemnisé à l'issue d'un délai de carence de 3 jours pour les salariés non-cadres, sans délai de carence pour les cadres, pendant 90 jours consécutifs ou non par année civile dans la limite de 100 % de la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant la période d'incapacité de travail et, au-delà de 90 jours, à hauteur de 80 % de la rémunération brute pendant toute la durée de l'indemnisation par la sécurité sociale.
  1. L'arrêt ajoute que la (…) a conclu deux contrats (cadres / non-cadres) pour garantir les ressources de ses salariés en application de l'article 84 précité, prévoyant que ses salariés percevront 100 % de la rémunération nette qu'ils auraient perçue s'ils avaient travaillé pendant la période d'incapacité de travail et pendant toute la durée de l'indemnisation de la sécurité sociale, sous réserve d'une franchise de 90 jours pour les cadres et que les pièces du dossier permettent de constater que les prestations garanties par ces contrats conclus avec l'institution de prévoyance ne vont pas au-delà du minimum fixé par le code du travail ou par la convention collective nationale et que les seules limites à la garantie de maintien de salaire sont la durée d'indemnisation par la sécurité sociale et le montant des ressources, qui doit correspondre à la rémunération nette qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé.
  1. L'arrêt en déduit que les primes versées par l'employeur ne peuvent pas être considérées comme finançant une opération de prévoyance complémentaire.
  1. En statuant ainsi, sans distinguer les contributions de l'employeur finançant l'indemnisation des arrêts de travail de ses salariés résultant de son obligation personnelle légale de maintien du salaire prévue par les articles L. 1226-1 et D. 1226-1 du code du travail, exonérées de CSG et de CRDS, et celles finançant les prestations complémentaires de prévoyance, soumises à la CSG et à la CRDS, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

  1. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
  1. L'arrêt énonce que l'annulation décidée du premier chef du redressement relatif aux contributions versées par l'employeur en vue d'assumer l'obligation de maintenir les salaires en cas d'arrêt de travail pour maladie ou accident, telle qu'elle résultait de la convention collective entraîne l'annulation du deuxième chef du redressement concernant le forfait social prévoyance.
  1. La cassation du chef du dispositif attaqué par le premier moyen entraîne

la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif attaqué par le deuxième qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le point n° 4 de la lettre d'observations et le redressement s'y rapportant, l'arrêt rendu le 8 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Cour de cassation du , pourvoi n°20-21362

Commentaire de LégiSocial

Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se penche sur cette problématique, voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site. 

Thématiques

Références

La Cour de cassation précise l’assiette CSG et CRDS sur les cotisations patronales de prévoyance

Cour de cassation du 12/10/2015, pourvoi n° 13-26834

Exonération sociale part patronale prévoyance : attention aux cas de dispenses !

Cour de cassation du 8/04/2020, pourvoi n° 18-21962