Intéressement : l’exonération des sommes versées suppose le respect du délai de conclusion de l’accord

Jurisprudence
Paie Forfait social

Le régime social de faveur accordé aux sommes versées aux salariés à titre d'intéressement, suppose que l’accord d’intéressement soit conclu en respect des dispositions réglementaires.

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Contexte de l'affaire

La présente affaire concerne une entreprise, qui à la suite d'un contrôle portant sur les années 2014 et 2015, se voit notifiée par l'URSSAF, le 20 mai 2016, une lettre d'observations visant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure. 

Le litige porte sur des sommes versées aux salariés, au titre d’un accord d’intéressement, pour lesquelles l’entreprise avait appliqué le régime social de faveur. 

La société saisit d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Par arrêt du 21 octobre 2020, la cour d'appel de Rouen déboute l’entreprise de sa demande.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rappelant à cette occasion que : 

Par combinaison des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, L. 3312-4, L. 3313-3, L. 3314-4, L. 3315-5 et D. 3313-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige :

  • Pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sur les sommes versées aux salariés à titre d'intéressement ;
  • L’accord d'intéressement doit avoir été conclu avant le 1er jour de la 2ème moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet et déposé dans les 15 jours à compter de cette date limite à la DIRECCTE (NDLR : devenue DREETS désormais) ;
  • Lorsqu'il est déposé hors délai, l'accord n'ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt.

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

  1. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, L. 3312-4, L. 3313-3, L. 3314-4, L. 3315-5 et D. 3313-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, que pour ouvrir droit aux exonérations de cotisations sur les sommes versées aux salariés à titre d'intéressement, l'accord d'intéressement doit avoir été conclu avant le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet et déposé dans les quinze jours à compter de cette date limite à la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi. Lorsqu'il est déposé hors délai, l'accord n'ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt.
  1. L'arrêt relève que la société a un exercice comptable qui court du 1er avril d'une année au 31 mars de l'année suivante, qu'un accord d'intéressement a été conclu le 14 septembre 2011 couvrant la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, que le 23 septembre 2014, un nouvel accord d'intéressement a été conclu pour la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2017 et qu'en vertu de l'article 2 de cet accord, la période de calcul correspond à l'exercice comptable. Il ajoute que le premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d'effet fixée au 1er avril 2014, étant le 1er octobre 2014, l'accord aurait dû être déposé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence et de la consommation, du travail et de l'emploi au plus tard le 15 octobre 2014 alors qu'il ne l'a été que le 12 novembre 2014.
  1. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que l'accord n'ouvrait droit aux exonérations de cotisations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt, soit les exercices ouverts à compter du 1er avril 2015, et non pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, et que le redressement devait être validé.
  1. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi. 

Cour de cassation du , pourvoi n°20-22367

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons du présent arrêt pour rappeler quelques notions importantes concernant le traitement en paie des sommes versées au titre de l’intéressement. 

Principe général

Rappelons tout d’abord que :

  • L'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise.
  • Il présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances; 
  • Et il est facultatif. 

Plafonnement

Au niveau des primes d’intéressement, un double plafonnement s’applique comme suit :

Un plafonnement global (article L 3314-8)

Le montant global des primes distribuées aux bénéficiaires ne doit pas dépasser annuellement 20 % du total des salaires bruts versés aux personnes concernées au cours de l’exercice.

Les salaires à prendre en considération pour le calcul de ce plafond prévu sont le total :

  • Des salaires bruts versés à l'ensemble des salariés de l'entreprise ;
  • Ou d'un ou plusieurs établissements, suivant le champ d'application de l'accord d'entreprise. 

Un plafonnement individuel (article L 3314-8)

Le montant des primes distribuées à un même bénéficiaire ne peut, au titre d'un même exercice, excéder une somme égale aux ¾ du PASS (nouveau seuil depuis la loi PACTE) retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. 

Lorsque l’année de calcul ne correspond pas à l’année civile, le plafond se calcule en tenant compte de la somme des plafonds mensuels applicables sur la période.

 (Guide interministérielle de l’épargne salariale, juillet 2014, dossier 1, fiche 5, § III-B).

Conséquence dépassement plafond

Aucune somme versée au titre de l'intéressement ne peut excéder lesdits plafonds.

Néanmoins, si le versement est supérieur :

  • Le montant excédant ledit plafond perd sa qualité d'intéressement ;
  • En conséquence, la fraction des montants d'intéressement excédant les plafonds prévus est réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales.

Régime fiscal et social

Exonération cotisations sociales

En application de l’article L 3312-4, les sommes versées en application de l'accord d'intéressement (ou au titre du supplément d'intéressement) sont exclues des assiettes des cotisations de sécurité sociale.

Ces sommes ne peuvent d’ailleurs «se substituer à aucun des éléments de rémunération ». 

Ce régime social de faveur implique toutefois que l’accord d’intéressement ait été mis en place dans le respect des conditions de forme et de fonds (c’est ce point qu’aborde présentement la Cour de cassation dans l’affaire que nous traitons).

Contributions CSG/CRDS

Les sommes versées sont soumises aux taux de droit commun, sans bénéficier d’un abattement.

Régime applicable aux apprentis

Alors que les apprentis bénéficient d’une exonération des contributions CSG/CRDS sur leurs rémunérations, cette exonération ne joue pas si ces derniers bénéficient de l’intéressement (lettre circulaire ACOSS du 18/08/2014). 

Déductibilité de la CSG ?

Lorsque les sommes versées sont intégralement exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales, les contributions CSG/CRDS sont alors totalement non déductibles.

Dans le cas où les sommes seraient soumises à l’impôt sur le revenu, s’appliquerait alors le régime de « droit commun », à savoir un calcul de :

La contribution CSG au taux de 6,80% déductible ;

La contribution CSG/CRDS au taux de 2,90% (2,40% pour CSG et 0,50% pour CRDS), non déductibles.

Taxe sur les salaires

Depuis le 1er janvier 2019, l’assiette de la taxe sur les salaires est alignée sur celle des contributions CSG/CRDS.

Sous réserve que l’entreprise y soit soumise, les sommes versées au titre de l’intéressement seront donc soumises à la taxe sur les salaires.

Forfait social

En 2022, s’applique le régime suivant :

  • Exonération pour les entreprises de moins de 250 salariés (régime en vigueur depuis le 1er janvier 2019) ;
  • Un taux dérogatoire de 16% s’applique sur les sommes affectées sur un PERCO issues de l’intéressement (y compris intéressement de projet et supplément d’intéressement), dans les entreprises employant au moins 250 salariés;
  • Un taux de 20% lorsque l’entreprise ne répond aux conditions prévues aux points 1/ ou 2/.

Régime fiscal

Les 2 situations suivantes sont à envisager :

Situations

Régime fiscal

Placement des sommes sur un plan d’épargne salariale (PEE, PEI ou PERCO)

Exonération dans la limite de ¾ du PASS retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

Autres situations

Soumission