Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 24 juin 1980 en qualité de technicienne filière électronique.
Le 29 mars 2013, une convention de rupture d'un commun accord pour motif économique a été signée entre les parties à effet au 1er avril 2013.
La salariée a été en congé de reclassement jusqu'au 31 décembre 2016.
Le 28 juillet 2016, la salariée saisit la juridiction prud'homale en faisant valoir que la société n'avait pas fait une application régulière de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 s'agissant de l'intéressement versé au titre de l'année 2015.
Par arrêt du 30 avril 2020, la cour d'appel de Versailles déboute la salariée, mais cette dernière décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel et rejette le pourvoi formé par la salariée.
En matière d’assiette servant pour la répartition de l’intéressement prévue par accord :
- L'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord ;
- La période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif, lorsque la répartition est effectuée en application des dispositions de l’article R 3314-3 du Code du travail, soit une répartition proportionnelle aux salaires.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Il résulte de l'article L. 3342-1 du code du travail que, sous réserve d'une condition d'ancienneté qui ne peut excéder trois mois, tous les salariés d'une entreprise compris dans le champ des accords de participation ou d'intéressement bénéficient de leurs dispositions, de sorte que les titulaires d'un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé en application de l'article L. 1233-72 du code du travail, bénéficient de la participation ou de l'intéressement, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation.
- Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 3314-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, la répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires. L'accord peut également retenir conjointement ces différents critères. Ces critères peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. A cet effet, l'accord peut renvoyer à des accords d'établissement. Sont assimilées à des périodes de présence :
1° Les périodes de congé de maternité prévu à l'article L. 1225-17 et de congé d'adoption prévu à l'article L. 1225-37 ;
2° Les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle en application de l'article L. 1226-7.
- Aux termes de l'article 4 de l'accord d'intéressement du 28 juin 2013, le salaire servant de base à la répartition est égal au total des sommes perçues par chaque bénéficiaire au cours de l'exercice considéré et répondant aux règles fixées à l'article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires.
- En application des articles L. 1233-72 et L. 5123-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause, l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'est pas soumise aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires.
- Il en résulte que l'allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n'entre pas dans l'assiette de la répartition de l'intéressement prévue par l'accord d'intéressement du 28 juin 2013.
- Par ailleurs, aux termes de l'article R. 3314-3 du code du travail, lorsque la répartition de l'intéressement est proportionnelle aux salaires, les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d'adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qu'aurait perçus le bénéficiaire s'il avait été présent.
- Il en résulte que la période du congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à une période de temps de travail effectif.
- L'arrêt constate que l'accord d'intéressement du 28 juin 2013 prévoit une répartition de l'intéressement, à hauteur de 50 % en fonction de la durée de présence du salarié dans l'entreprise et à hauteur de 50 % en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l'exercice de référence et que l'accord précise que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d'ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l'accident du travail et du trajet et d'une façon générale des périodes légalement ou conventionnellement assimilées au travail effectif n'ont aucune incidence sur le droit à répartition.
- C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a jugé qu'il n'était pas justifié d'une disposition conventionnelle assimilant le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que la simple prise en compte par l'employeur de la prime d'ancienneté pour calculer la répartition de l'intéressement à l'expiration de la période de préavis n'était pas contraire aux règles légales et conventionnelles applicables.
- Par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve justifié.
- Le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire aborde l’intéressement en entreprise, nous en profitons pour rappeler quelques notions fondamentales à ce sujet.
Principe général
- L'intéressement a pour objet d'associer collectivement les salariés aux résultats ou aux performances de l'entreprise.
- Il présente un caractère aléatoire et résulte d'une formule de calcul liée à ces résultats ou performances.
- Et il est facultatif.
Plafonnement
Au niveau des primes d’intéressement, un double plafonnement s’applique comme suit :
Un plafonnement global (article L 3314-8)
- Le montant global des primes distribuées aux bénéficiaires ne doit pas dépasser annuellement 20 % du total des salaires bruts versés aux personnes concernées au cours de l’exercice.
Les salaires à prendre en considération pour le calcul de ce plafond prévu sont le total :
- Des salaires bruts versés à l'ensemble des salariés de l'entreprise ;
- Ou d'un ou plusieurs établissements, suivant le champ d'application de l'accord d'entreprise.
Un plafonnement individuel (article L 3314-8)
- Le montant des primes distribuées à un même bénéficiaire ne peut, au titre d'un même exercice, excéder une somme égale aux ¾ du PASS (nouveau seuil depuis la loi PACTE) retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.
Lorsque l’année de calcul ne correspond pas à l’année civile, le plafond se calcule en tenant compte de la somme des plafonds mensuels applicables sur la période.
(Guide interministérielle de l’épargne salariale, juillet 2014, dossier 1, fiche 5, § III-B).
Conséquence dépassement plafond
Aucune somme versée au titre de l'intéressement ne peut excéder lesdits plafonds.
Néanmoins, si le versement est supérieur :
- Le montant excédant ledit plafond perd sa qualité d'intéressement ;
- En conséquence, la fraction des montants d'intéressement excédant les plafonds prévus est réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales.