Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée le 25 avril 1994 en qualité d'opératrice.
Le 6 novembre 2017, la salariée a été, à la suite d'un accident du travail, déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, dont l'avis mentionnait « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Le 30 novembre 2017, la salariée est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, mais décide de saisir la juridiction prud’homale, estimant que l’employeur doit être condamné pour irrégularité de procédure pour défaut de consultation des délégués du personnel.
Par arrêt du 22 octobre 2020, la cour d'appel de Paris donne raison à la salariée, estimant que l’employeur devait être condamné pour non-respect de la procédure.
Mais la Cour de cassation ne partage pas le même avis, et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel sur ce point, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Grenoble, confirmant que :
- Lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis d’aptitude que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi ;
- L’employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.
7. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.
9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail.
10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire est l’occasion pour nous de rappeler quelques notions concernant l’obligation de reclassement (et son éventuelle dispense) dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Les informations qui vous ici transmises constituent un extrait de notre fiche pratique publiée sur notre site concernant ce motif de licenciement.
Lire aussi : Quelles sont les procédures en cas de licenciement pour inaptitude en 2024 ? Fiche pratique
En cas d’inaptitude du salarié (qu’elle soit d’origine professionnelle ou non) et impossibilité de reclassement, des procédures particulières sont à respecter. Elles vous sont décrites dans la présente fiche pratique.
Obligation de reclassement
Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :
- Article L 1226-2-1 ;
- Article L 1226-12 ;
- Article L 1226-20.
Article L1226-2-1
Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Article L1226-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Article L1226-20
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.
Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.
Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.
La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.
Sont ainsi confirmés les points suivants :
- L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
- Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).
Dispense obligation de reclassement
La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.
Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :
- Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :
- En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
- Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.