L’employeur doit communiquer les éléments permettant de calculer la part de rémunération variable

Jurisprudence
Paie Rémunération

Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié, et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de celle-ci, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Publié le
Télécharger en PDF

Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 19 août 2003, en qualité de cadre commercial.
La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des activités de marchés financiers du 11 juin 2010.

Licencié pour faute lourde le 16 février 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes portant sur l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Il réclame notamment le paiement de la part variable de sa rémunération, estimant que son employeur le privait présentement de la rémunération variable sur l’année 2015 et une partie de 2016. 

Par arrêt du 17 mai 2020, la cour d'appel de Paris déboute le salarié sur cette demande, estimant que le salarié n’apporte pas les preuves permettant le versement de cette part variable. 

Pour rejeter la demande formée par le salarié au titre de sa rémunération variable portant sur l'année 2015 et une partie de l'année 2016, la cour d’appel relève que le contrat de travail régularisé entre les parties prévoit, outre le versement d'une rémunération brute annuelle de 60 000 euros, une prime de résultat annuelle en fonction d'objectifs individuels et collectifs fixés chaque année, le contrat prévoyant que cette prime peut représenter 60 000 euros si tous les objectifs sont atteints. 

Concernant les 2 périodes, la cour d’appel retient le fait que le salarié « ne produit aucun élément sur ses résultats individuels qu'il se contente de qualifier d'excellents, notamment en rapport avec son activité déployée en Italie ».

La Cour de cassation n’est pas du même avis, considérant que la cour d’appel inverse présentement la charge de la preuve, car elle considère que : 

  • Il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié ;
  • Et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.

Extrait de l’arrêt : 


Réponse de la Cour 

Vu l'article 1315 du code civil, devenu 1353 du même code :

  1. Aux termes de ce texte, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
  2. Pour rejeter la demande formée par le salarié au titre de sa rémunération variable portant sur l'année 2015 et une partie de l'année 2016, l'arrêt relève que le contrat de travail régularisé entre les parties prévoit, outre le versement d'une rémunération brute annuelle de 60 000 euros, une prime de résultat annuelle en fonction d'objectifs individuels et collectifs fixés chaque année, le contrat prévoyant que cette prime peut représenter 60 000 euros si tous les objectifs sont atteints. Il ajoute qu'il ressort du document « entretien de fin d'année » signé par l'employeur et le salarié le 16 février 2015 que des objectifs pour l'année 2015 ont été fixés comme suit : « pour le salarié : générer plus de 350 K Eur (…) se décomposant en 10 millions en AM sur l'Italie, 10 millions en AM sur la France dont 1 million sur (…), 10 millions sur (…)et 20 millions sur (…)fonds de dettes, pour l'employeur : 40 M € de levées au total dont 20 millions sur l'Italie (tout support confondu). »
  1. Il retient que pour ces deux périodes, l'intéressé ne produit aucun élément sur ses résultats individuels qu'il se contente de qualifier d'excellents, notamment en rapport avec son activité déployée en Italie.
  1. En statuant ainsi, alors qu'il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable d'un salarié et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

  1. La cassation des chefs de dispositif disant le licenciement pour faute lourde dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur à verser au salarié diverses sommes à raison de la rupture du contrat de travail n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt le condamnant aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande formée par M. [E] au titre de la rémunération variable et en ce qu'il dit son licenciement pour faute lourde dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne en conséquence la société (…) à lui verser les sommes de 13 417,18 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 20 176,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 2 017,62 euros de congés payés afférents, 10 088,11 euros à titre de rappels de salaire sur mise à pied conservatoire outre 1 008,81 euros de congés payés afférents, 4 126,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés et 60 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°20-19711

Commentaire de LégiSocial

Il est fréquent que la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, considérant que cette dernière « inverse la charge de la preuve ». 

Voici un rappel de quelques affaires abordées sur notre site à ce sujet…. 

Thématiques

Références

Heures complémentaires : la charge de la preuve incombe à l’employeur

Cour de cassation du 24 novembre 2010, pourvoi n° 09-40928

Respect de la durée maximale quotidienne : la charge de la preuve incombe à l’employeur

Cour de cassation du 25 septembre 2013, pourvoi n°12-13267

Rappel d’heures supplémentaires : la charge de la preuve ne repose pas sur le seul salarié

Cour de cassation du 25 mars 2015, pourvoi n°13-26469