Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 29 janvier 2007 selon contrat à durée indéterminée, en qualité de vendeur qualifié.
Après des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie et suite à un avis d'inaptitude définitive à son poste de travail par le médecin du travail, a été licencié le 7 décembre 2009 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Mais le 11 mai 2012, il saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement en invoquant un harcèlement moral ainsi qu'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité.
En d’autres termes, le salarié considère que son inaptitude provient d’un manquement de l’employeur, ce qui doit conduire à considérer son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par arrêt du 30 octobre 2019, la cour d'appel de Versailles déboute le salarié de sa demande, estimant à cette occasion que :
« le salarié sollicite la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que son harcèlement moral résulte d'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, qui est donc la cause de l'inaptitude, qu'or ce moyen ne saurait constituer une cause de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réalité de l'inaptitude n'étant pas contestée, que le harcèlement moral n'étant pas caractérisé, l'argument est donc inopérant.».
Mais la Cour de cassation ne retient pas l’argument de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée.
Selon la Cour de cassation :
- Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
- Lorsqu’il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la CourVu l'article L. 1235-3 du code du travail et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code, en leur rédaction applicable en la cause :
- Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.
- Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié sollicite la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que son harcèlement moral résulte d'un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur, qui est donc la cause de l'inaptitude, qu'or ce moyen ne saurait constituer une cause de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réalité de l'inaptitude n'étant pas contestée, que le harcèlement moral n'étant pas caractérisé, l'argument est donc inopérant.
- En se déterminant ainsi, alors d'une part qu'elle avait constaté que le salarié demandait à titre principal la nullité de son licenciement pour inaptitude en raison d'un harcèlement moral subi et à titre subsidiaire de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en conséquence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et que d'autre part elle avait retenu l'existence d'un manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, justifiant la condamnation de ce dernier au paiement à ce titre de dommages-intérêts, la cour d'appel qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur à son obligation de sécurité, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [O] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Nombreuses sont les conséquences lorsque le licenciement est considéré comme dépourvu de « cause réelle et sérieuse ».
Voici quelques informations à ce sujet, extraites de notre fiche pratique dédiée à cette thématique :
Lire aussi : Quelles sont les conséquences d'un licenciement requalifié « sans cause réelle et sérieuse » en 2024 ? Fiche pratique
Suite à une action prud’homale, un licenciement peut être considéré non fondé sur une cause réelle et sérieuse. La présente fiche pratique vous éclaire à la fois sur les raisons qui motivent cette requalification et sur les conséquences.
Conséquence 1 : le remboursement des allocations chômage
2 régimes
Concernant l’éventuel remboursement des allocations chômage auquel peut être condamné l’employeur, 2 régimes sont alors envisageables comme suit :
- Le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés ;
- Le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et l’entreprise compte 11 salariés et plus.
Précision concernant l’ancienneté
L’ancienneté du salarié s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Cour de cassation du 26/09/2006, pourvoi 05-43841
Précision concernant l’effectif de l’entreprise
Concernant l’effectif de l’entreprise, c’est bien l’effectif « habituel » qu’il faut retenir et non celui en vigueur au moment où se produit le licenciement.
Cour de cassation du 27/05/1992, pourvoi 89-42593
Situation 1 : le salarié a moins de 2 ans d’ancienneté et/ou se situe dans une entreprise de moins de 11 salariés
Dans ce cas le remboursement des allocations chômage n’est pas envisageable.
Article L1235-5
Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 2
Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.
NOTA :
Conformément à l'article 40-I de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance.
Cour de cassation du 27/05/2009 pourvoi 07-45582
Situation 2 : le salarié justifie d’une ancienneté d’au moins 2 ans et l’entreprise compte 11 salariés et plus.
Circonstance aggravante, l’employeur peut être condamné à rembourser tout ou partie des allocations chômage versées au salarié depuis le licenciement jusqu’au jugement, dans la limite de 6 mois.
Article L1235-4
Modifié par LOI n°2018-771 du 5 septembre 2018 - art. 64
Dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
Conséquence 2 : le versement d’indemnités prud’homales « Macron »
Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, JO du 23 septembre 2017
Les barèmes
Entreprise comptant 11 salariés et plus
Le barème qui suit fixe (toutes anciennetés confondues) :
- Une valeur minimale (valeur plancher) de 1 mois ;
- Une valeur maximale (valeur plafond) de 20 mois.
Ancienneté du salarié dans l'entreprise (en années complètes) | Indemnité minimale (en mois de salaire brut) | Indemnité maximale (en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet | 1 |
1 | 1 | 2 |
2 | 3 | 3,5 |
3 | 3 | 4 |
4 | 3 | 5 |
5 | 3 | 6 |
6 | 3 | 7 |
7 | 3 | 8 |
8 | 3 | 8 |
9 | 3 | 9 |
10 | 3 | 10 |
11 | 3 | 10,5 |
12 | 3 | 11 |
13 | 3 | 11,5 |
14 | 3 | 12 |
15 | 3 | 13 |
16 | 3 | 13,5 |
17 | 3 | 14 |
18 | 3 | 14,5 |
19 | 3 | 15 |
20 | 3 | 15,5 |
21 | 3 | 16 |
22 | 3 | 16,5 |
23 | 3 | 17 |
24 | 3 | 17,5 |
25 | 3 | 18 |
26 | 3 | 18,5 |
27 | 3 | 19 |
28 | 3 | 19,5 |
29 | 3 | 20 |
30 et au-delà | 3 | 20 |
Entreprise comptant habituellement moins de 11 salariés
Le barème ne prévoit alors d’indemnités que dans la limite d’une ancienneté de 10 ans, seule la valeur plancher est déterminée.
Selon nous, il convient de se référer au barème précédent en cas d’ancienneté supérieure à 10 ans.
(en années complètes) |
(en mois de salaire brut) |
0 | Sans objet |
1 | 0,5 |
2 | 0,5 |
3 | 1 |
4 | 1 |
5 | 1,5 |
6 | 1,5 |
7 | 2 |
8 | 2 |
9 | 2,5 |
10 | 2,5 |