Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 15 février 1985 en qualité d'agent commercial.
Le 1er février 2017, après reprise de son contrat par une autre société, son employeur lui demande de signer un engagement de confidentialité, ce que le salarié refuse le 27 février 2017.
Convoqué le 15 mars 2017 à un entretien préalable fixé au 27 mars 2017 puis licencié le 2 mai 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes, estimant présentement que son licenciement doit être considéré sans cause réelle et sérieuse.
Par arrêt du 20 août 2020, la cour d'appel de Dijon considère que « le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour des faits non fautifs de nature à perturber le bon fonctionnement de l'entreprise et non pas d'un licenciement pour motif disciplinaire. »
La Cour de cassation ne partage pas cet avis, indiquant que :
Ayant été constaté que :
- La lettre de licenciement faisait état du refus du salarié de signer l'engagement de confidentialité qui lui avait été présenté ;
- Ce qui mettait gravement en péril les activités de la société ;
- De sorte qu’il devait s’en conclure que la rupture s’analysait en un licenciement disciplinaire.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1235-1, L. 1331-1 et L. 1332-2 du code du travail :
- Si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de la rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
- Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de toutes ses demandes, l'arrêt retient que la lettre de licenciement fait état de ce que le refus de l'intéressé de signer l'engagement de confidentialité qui lui avait été présenté a gravement mis en péril les activités de la société, et en conclut que le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour des faits non fautifs de nature à perturber le bon fonctionnement de l'entreprise et non pas d'un licenciement pour motif disciplinaire.
- En statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement reprochait au salarié son refus de signer l'engagement de confidentialité, lequel constitue un grief inhérent à sa personne, susceptible de constituer un manquement à une obligation découlant du contrat de travail, la cour d'appel, qui devait en déduire que le licenciement avait été prononcé pour un motif disciplinaire et vérifier si la procédure disciplinaire avait été respectée, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail de M. [T] repose sur un licenciement pour cause réelle et sérieuse, le déboute de ses demandes de dommages-intérêts subséquents et d'indemnité pour frais irrépétibles et en ce qu'il le condamne aux dépens, l'arrêt rendu le 20 août 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire aborde le « caractère disciplinaire » du licenciement, rappelons quelques informations générales à ce sujet, extraites de notre fiche pratique dédiée à cette thématique :
Lire aussi : Quelle est la définition d'un licenciement pour motif personnel en 2024 ? Fiche pratique
La présente fiche pratique vous donne les informations importantes concernant le licenciement pour motif personnel, selon les dispositions en vigueur sur l’année 2024.
Licenciement disciplinaire
L’employeur qui souhaite procéder à un licenciement disciplinaire, doit être en mesure de prouver qu’il y a eu faute du salarié.
La faute : définition générale
Il n’existe pas de définition légale de la faute, la jurisprudence a permis de dégager de nombreux principes, parmi lesquels on peut citer :
- Une faute est en principe constituée par un acte ou une abstention volontaire ;
- Constitue une faute tout agissement du salarié considéré comme fautif par l’employeur.
Faits et agissements qui ne peuvent être considérés comme des fautes
À ce sujet, le code du travail dans ses articles L 1132-1 et suivants évoquent de nombreuses situations pour lesquelles aucun licenciement ne peut être prononcé à savoir :
Le chef d’entreprise devra veiller à ne pas écarter certaines personnes de l’entretien d’embauche pour des raisons illicites.
Le code du travail à ce sujet indique dans son article L 1132-1, modifié en dernier lieu par la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 (article 10), que nul ne peut être licencié en raison de :
- Son origine ;
- Son sexe ;
- Son âge ;
- Ses mœurs ;
- Son orientation sexuelle ;
- Son identité de genre (au genre auquel une personne a le ressenti profond d'appartenir) ;
- Sa situation de famille ;
- Sa grossesse ;
- Ses caractéristiques génétiques ;
- Son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ;
- Ses opinions politiques ;
- Ses activités syndicales ou mutualistes ;
- Ses convictions religieuses ;
- Son apparence physique ;
- Son nom de famille ;
- Son état de santé ;
- Sa perte d'autonomie ;
- Son handicap,
- Son lieu de résidence (nouveau motif de discrimination introduit par la loi du 21/02/2014) ou de sa domiciliation bancaire (nouveau critère ajouté par la loi n°2017-256 du 28/02/2017) (*);
- De la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur (nouveau motif ajouté par la loi du 24 juin 2016) ;
- De la capacité du salarié « à s'exprimer dans une langue autre que le français » ;
- De sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte (**) ;
- Etc.
* Nous rappelons que l’objectif visé par le présent ajout est de mettre fin aux difficultés que rencontrent les ultramarins présents en « métropole » du fait de leur domiciliation bancaire en « outre-mer ».
LOI n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, JO du 1er mars 2017
** au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
La loi PACTE ajoute au terme « recrutement » les mots « ou de nomination ».
Article L1132-1
Version en vigueur depuis le 01 septembre 2022
Modifié par LOI n°2022-401 du 21 mars 2022 - art. 10
Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
Conformément à l’article 18 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
Article L1132-2
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice normal du droit de grève.
Article L1132-3
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés.
Article L1132-3-1
Créé par LOI n°2011-939 du 10 août 2011 - art. 9
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 en raison de l'exercice des fonctions de juré ou de citoyen assesseur.
Article L1132-3-2
Créé par LOI n°2013-404 du 17 mai 2013 - art. 19
Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire mentionnée à l'article L. 1132-1 pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un Etat incriminant l'homosexualité.
Article L1132-3-3
Modifié par LOI n°2022-401 du 21 mars 2022 - art. 7 (V)
Aucune personne ayant témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont elle a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ou ayant relaté de tels faits ne peut faire l'objet des mesures mentionnées à l'article L. 1121-2.
Les personnes mentionnées au premier alinéa du présent article bénéficient des protections prévues aux I et III de l'article 10-1 et aux articles 12 à 13-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.Conformément à l’article 18 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
Article L1132-4
Modifié par LOI n°2022-401 du 21 mars 2022 - art. 7 (V)
Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre ou du II de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique est nul.
Conformément à l’article 18 de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022, ces dispositions entrent en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa promulgation.
Exemples de fautes disciplinaires
- Le non-respect des horaires ;
- Des absences non autorisées par l’employeur ;
- Le non-respect des consignes d’hygiène et de sécurité ;
- Des actes d’indiscipline ;
- Une tenue vestimentaire ;
- L’alcoolisme au travail ;
- Le tabagisme au travail ;
- La négligence, c'est-à-dire l’exécution du travail sans y avoir apporté le soin nécessaire ;
- La baisse volontaire du rendement dans la réalisation du travail ;
- L’abandon de poste ;
- La mauvaise réalisation du travail.