Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée, en qualité d'agent artistique, à compter du 2 novembre 2011.
Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait un emploi de cadre.
Après avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 5 juin 2015, la salariée saisit la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat.
Dans un premier temps, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 17 juin 2020, indique que la clause de non-concurrence présente dans le contrat de travail de la salariée devait être considérée comme nulle, et l’employeur devait être débouté de sa demande d’indemnisation au titre des actes de concurrence déloyale commis par son ancienne salariée.
La Cour de cassation n’approuve pas cet arrêt, qu’elle casse et annule, indiquant à cette occasion que :
- La nullité de la clause de non-concurrence ne prive pas l'employeur de son droit à indemnisation au titre des actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié ;
- Sous réserve que la société puisse démontrer que des actes de concurrence déloyale reprochés à la salariée existent réellement.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
(…)
- L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence, tout en le déboutant de ses demandes en remboursement de la contrepartie financière et de dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale commis par la salariée, alors :
« 3°/ qu'au soutien de sa demande tendant au remboursement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence, il se prévalait de violations commises par la salariée à la clause de non-concurrence durant une période d'application de cette clause antérieure à l'intervention de son annulation judiciaire ; que la cour d'appel l'a débouté du surplus de ses demandes, en ce compris l'intégralité de sa demande de remboursement de la contrepartie financière, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ enfin, que la nullité de la clause de non-concurrence ne prive pas l'employeur de son droit à indemnisation au titre des actes de concurrence déloyale commis par son ancien salarié ; qu'au soutien de sa demande indemnitaire à ce titre, il se prévalait dans ses conclusions de différents actes de concurrence déloyale commis par la salarié à son détriment et qu'il étayait ces allégations par des preuves ; que la cour d'appel l'a débouté du surplus de ses demandes, en ce compris sa demande indemnitaire au titre des agissements de concurrence déloyale commis par son ancienne salariée, sans énoncer le moindre motif au soutien de cette décision ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Commentaire de LégiSocial
L’affaire présente aborde la clause de non-concurrence, objet de nombreux contentieux, l’occasion pour nous d’en rappeler quelques notions fondamentales.
Les informations ci-après sont extraites de notre fiche pratique, disponible sur notre site, exclusivement consacrée à cette thématique.
Lire aussi : La clause de non-concurrence en 2024 Fiche pratique
La clause de non-concurrence est une des clauses qui est à l’origine de nombreux contentieux. Quelles sont les conditions de validité d’une telle clause, comment la gérer au départ du salarié, quel régime social pour la contrepartie financière ?
Principe et objectif
La clause de non-concurrence a pour but d'interdire au salarié, après la rupture de son contrat, l'exercice d'une activité qui porterait préjudice à son ancien employeur.
5 Conditions de validité
- Condition 1 : elle doit être insérée clairement dans le contrat de travail (sauf dispositions conventionnelles contraires).
- Condition 2 : elle doit respecter les dispositions conventionnelles si celles-ci sont plus favorables.
La clause de non-concurrence doit respecter très exactement les conditions de fond et de forme éventuellement prévues par la convention collective. Une clause de non-concurrence non conforme aux dispositions de la convention collective n'est pas nulle pour autant : elle doit être rapportée aux conditions conventionnelles prévues.
Cour de cassation du 2/12/1998.
Lorsqu'une convention collective stipule que l'employeur à la possibilité de convenir d'une clause de non-concurrence avec certains salariés, il lui est alors impossible de conclure une telle clause avec d'autres salariés que ceux visés par la convention collective.
Cour de cassation du 12/11/1997.
- Condition 3 : elle doit nécessairement être justifiée par l'intérêt de l'entreprise et ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi
Cour de cassation du 2/12/1997
- Condition 4 : la clause de non-concurrence doit être limitée
- Dans le temps
Une clause comportant une durée illimitée n’est pas valable.
Les conventions collectives peuvent parfois encadrer la durée pendant laquelle peut s’exercer la clause.
Si ce n’est pas le cas, les juges apprécieront la durée insérée avec les intérêts de l’entreprise.
- Dans l'espace
La limitation de la zone de non-concurrence varie selon que la clientèle est « locale » ou « mondialisée ».
Dans tous les cas de figure, cette délimitation géographique doit être précise et ne pas empêcher encore une fois le salarié de retrouver un emploi.
- Dans l'objet (nature des activités interdites)
La clause doit préciser la nature des activités concernées
Signalons que la jurisprudence n'exige pas que la clause obéisse cumulativement à ces trois conditions (temps, espace et objet), l'une ou l'autre de ces limitations, temps ou espace, peut suffire si le salarié conserve la possibilité de poursuivre " son " activité professionnelle.
- Condition 5 : la clause doit comporter une contrepartie financière
Si la clause ne prévoit aucune contrepartie financière pour le salarié, elle est considérée comme nulle.
Petite particularité, une clause ne prévoyant aucune contrepartie financière MAIS renvoyant vers la contrepartie financière prévue par la convention collective est acceptable, le renvoi vers l’article de la convention collective est alors nécessaire.
Une contrepartie financière jugée « dérisoire » par les juges peut aboutir au même résultat.
Cour de cassation du 15/11/2006 n° 04-46721
Une contrepartie financière versée en cours de contrat rend la clause totalement nulle et sans effet.
Cour de cassation du 17/11/2010 pourvoi M 09-42.389
La clause prévoyant que la contrepartie financière ne serait pas payée en cas de licenciement pour faute grave ou lourde est nulle
Cour de cassation du 28/06/2006 pourvoi 05-40990
Une récente affaire concernant un salarié qui percevait une compensation financière pendant le contrat et aussi après la rupture du contrat permet de préciser que la valeur éventuellement dérisoire s’évalue uniquement sur la partie versée après la rupture du contrat.
Cour de cassation du 22/06/2011 pourvoi 09-71567 FSPB