Requalification CDD en CDI : le délai de prescription débute à la conclusion du contrat en cas d’absence d’une mention

Jurisprudence
Paie CDD

Le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 16 décembre 2013, par contrat de travail à durée déterminée d'une durée de trois mois pour assurer le remplacement d'un salarié absent en arrêt-maladie.

Le contrat est prolongé par avenant du 14 mars 2014, pour la durée de la maladie du salarié remplacé.

Le 22 décembre 2015, l'employeur informe le salarié de la fin du contrat de travail au motif que le salarié remplacé avait fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude.

Le 2 juin 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale afin de demander la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, que la rupture du contrat de travail soit considérée comme un licenciement irrégulier et que lui soient allouées des sommes en conséquence.

Par arrêt du 7 janvier 2021, la cour d’appel d'Aix-en-Provence, donne raison au salarié ordonnant la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée. 

Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis, elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, rappelant à cette occasion que : 

  • Le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat CDD en contrat CDI ;
  • Fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification ;
  • Court à compter de la conclusion de ce contrat. 

Dans l’affaire présente, la Cour de cassation ajoute que :

  • Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ;
  • Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.

 

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1242-12, 1°, du code du travail et l'article L. 1245-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

  1. Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.
  2. Pour requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dire que le licenciement devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner l'employeur au paiement de sommes en suite d'une requalification et d'une rupture illicite, l'arrêt, après avoir constaté que le salarié avait été engagé par contrat à durée déterminée, prolongé par un avenant, afin de remplacer un salarié absent sans que ne soient mentionnés le nom et la qualification professionnelle du salarié remplacé, retient que cette absence de mention ne permet pas au salarié de vérifier que le contrat ne repose pas sur un autre motif, qu'en définitive, le salarié conteste la validité du motif du recours au contrat. L'arrêt ajoute que le salarié n'étant pas en mesure d'apprécier ses droits à la date de la conclusion du contrat, le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du terme du dernier contrat. Constatant qu'il s'est écoulé moins de deux ans entre le terme du contrat et la saisine de la juridiction, il en déduit que l'action en requalification n'est pas prescrite.
  3. En statuant ainsi, alors que le salarié demandait la requalification du contrat à durée déterminée en invoquant une absence de mentions du contrat à durée déterminée, ce dont il résultait que son action, introduite plus de deux ans à compter de la date de conclusion du contrat, comme de l'avenant, était prescrite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute M. [C] de sa demande en paiement de sommes en raison du non respect de la procédure, l'arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Cour de cassation du , pourvoi n°21-13059

Commentaire de LégiSocial

Nombreuses sont les affaires où est abordée la requalification d’un contrat CDD en contrat CDI.

Nous profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions générales à ce sujet, les informations ci-après sont extraites de notre fiche pratique dédiée à cette thématique. 

Les cas de requalification

Plusieurs situations peuvent conduire à la requalification d’un CDD en CDI :

  • Le non-respect des dispositions légales
  • Le non-respect de dispositions conventionnelles ;
  • Le défaut de transmission du contrat CDD dans les temps ;
  • La poursuite des relations contractuelles au-delà du terme. 

Le non-respect des dispositions légales

Cette situation se rencontre notamment lorsque les dispositions qui concernent des règles de fond ne sont pas respectées.

Article L1245-1

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I et 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés et aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance. 

Sont concernées les situations suivantes notamment :

  • Le recours au contrat CDD hors des cas autorisés ;
  • Le défaut d’établissement d’un contrat écrit ;
  • Le contrat de travail est écrit, mais n’est pas signé par les deux parties (salarié et employeur) ;
  • Certaines mentions obligatoires du contrat sont absentes (rémunération par exemple) ;
  • La durée maximale du contrat est dépassée ;
  • Etc.

Le non-respect de dispositions conventionnelles

Ce cas peut notamment se rencontrer en cas de non-respect de certaines règles qui seraient fixées par un accord collectif ou accord de branche.

Article L1248-5

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 25

Le fait de méconnaître les stipulations d'une convention ou d'un accord de branche prises en application de l'article L. 1242-8 ou, lorsqu'elles s'appliquent, les dispositions des articles L. 1242-8-1 et L. 1242-8-2, relatives à la durée du contrat de travail à durée déterminée, est puni d'une amende de 3 750 euros. La récidive est punie d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Article L1248-10

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 25

Le fait de renouveler le contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance des stipulations d'une convention ou d'un accord de branche prises en application de l'article L. 1243-13 ou, lorsqu'elles s'appliquent, des dispositions de l'article L. 1243-13-1 est puni d'une amende de 3 750 euros. La récidive est punie d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Article L1248-11

Modifié par Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 - art. 25

Le fait de méconnaître les stipulations d'une convention ou d'un accord de branche prises en application de l'article L. 1244-3 ou, lorsqu'elles sont applicables, les dispositions de l'article L. 1244-3-1, relatives à la succession de contrats sur un même poste, est puni d'une amende de 3 750 euros. La récidive est punie d'une amende de 7 500 euros et d'un emprisonnement de six mois.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

Le défaut de transmission du contrat CDD dans les temps

A ce sujet, rappelons que l’article L 1245-1 (dans sa version modifiée par ordonnance du 20/12/2017) indique que la transmission tardive ne suffit pas, à elle seule, à entraîner la requalification du contrat CDD en CDI.

Cette transmission « hors délai » ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à 1 mois de salaire.

Article L1245-1 

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I et 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés et aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.

La poursuite des relations contractuelles au-delà du terme.

Dans le cas où l’employeur décide de faire travailler le salarié au-delà du terme prévu du contrat CDD, ce dernier se transforme automatiquement en contrat CDI.

Article L1243-11

Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.

Article L1245-1 

Modifié par Ordonnance n°2017-1718 du 20 décembre 2017 - art. 1

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

NOTA : 

Conformément à l'article 40-I et 40-VIII de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions sont applicables aux licenciements prononcés et aux contrats de travail conclus postérieurement à la publication de ladite ordonnance.