Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 3 septembre 2007 en qualité de directeur général par une association pour enfants et adultes handicapés mentaux.
Licencié pour faute grave le 8 août 2017, il saisit la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes.
Dans cette affaire, son employeur lui reproche le transfert et la suppression de mails professionnels.
Par arrêt du 26 novembre 2020, la cour d’appel de Lyon donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, indiquant à cette occasion que :
Ne constituent pas une faute grave rendant impossible le maintien dans l'entreprise, les faits suivants reprochés au salarié, directeur d’une association, à savoir la suppression et le transfert des messages électroniques professionnels, ayant été constaté :
- D’une part, que l'association n'avait pas rédigé de charte informatique pour réglementer le fonctionnement et l'usage des outils informatiques mis à disposition des salariés dans le cadre de leur travail, alors que son l'élaboration relevait de son seul pouvoir ;
- Et, d'autre part, que, compte tenu de la procédure appliquée au sein de l'association et du fonctionnement du système de double adresse électronique, la très grande majorité des courriels avait transité par la boîte de la secrétaire de direction qui en conservait trace, ce que n'ignoraient ni le salarié, ni la représentante légale de l'association, dont les adresses électroniques fonctionnaient sur le même principe et que l'association, qui avait pu également récupérer les courriels directement adressés au salarié sur sa boîte professionnelle nominative et avait finalement procédé à la restauration de l'intégralité des messages supprimés, n'alléguait aucun préjudice.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, après avoir constaté la réalité du grief tiré de la suppression et du transfert des messages électroniques professionnels reproché au salarié, a constaté par motifs propres et adoptés, d'une part, que l'association n'avait pas rédigé de charte informatique pour réglementer le fonctionnement et l'usage des outils informatiques mis à disposition des salariés dans le cadre de leur travail, alors que son l'élaboration relevait de son seul pouvoir et, d'autre part, que, compte tenu de la procédure appliquée au sein de l'association et du fonctionnement du système de double adresse électronique, la très grande majorité des courriels avait transité par la boîte de la secrétaire de direction qui en conservait trace, ce que n'ignoraient ni le salarié, ni la représentante légale de l'association, dont les adresses électroniques fonctionnaient sur le même principe et que l'association, qui avait pu également récupérer les courriels directement adressés au salarié sur sa boîte professionnelle nominative et avait finalement procédé à la restauration de l'intégralité des messages supprimés, n'alléguait aucun préjudice.
6. Elle a ensuite relevé que l'association ne versait aux débats aucun des courriels litigieux, l'empêchant ainsi d'apprécier leur importance, leur caractère confidentiel et le péril susceptible de résulter pour elle de leur destruction, expressément invoqué dans la lettre de licenciement.
7. De ces constatations, elle a pu déduire que les faits reprochés au salarié ne constituaient pas une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
8. Ayant ensuite relevé que l'article 33, alinéa 4 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées du 15 mars 1966, interdisait, sauf en cas de faute grave, toute mesure de licenciement disciplinaire à l'égard d'un salarié n'ayant pas fait l'objet précédemment d'au moins deux des sanctions suivantes : l'observation, l'avertissement ou la mise à pied avec ou sans salaire pour un maximum de trois jours, et constaté que l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune de ces sanctions préalables, elle en a exactement déduit que l'employeur ne pouvait fonder un licenciement disciplinaire sur le seul grief tiré de la suppression et du transfert de courriels personnels, dont elle avait écarté le caractère de gravité.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Il est fréquent que la Cour de cassation rende des arrêts concernant les mails professionnels, voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site :
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