Travailler pour un autre employeur durant un arrêt de travail ne prouve pas à lui seul, que le salarié manque de loyauté

Jurisprudence
Paie IJSS (Indemnités Journalières Sécurité Sociale)

Le fait d’exercer une activité pour le compte d'une entreprise concurrente de l'employeur, durant un arrêt de travail, ne saurait constituer, à lui seul, un manquement à l’obligation de loyauté. A l’employeur de prouver le préjudice subi.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée, le 22 juillet 1982, par une association en qualité d'aide-soignante.
Le 5 septembre 2016, alors qu'elle était placée en arrêt de travail, consécutif à un accident du travail, la salariée a été licenciée pour faute grave, son employeur lui reprochant d’avoir exercé une activité auprès d’une autre entreprise non-concurrente durant son arrêt de travail, alors qu’il avait de son côté procédé au paiement des indemnités complémentaires à celles versées par la sécurité sociale au titre de l’arrêt maladie.

Contestant ce licenciement, la salariée saisit la juridiction prud'homale. 

Par arrêt du 11 mai 2021, la cour d’appel de Grenoble déboute la salariée de sa demande, confirmant au passage son licenciement pour faute grave, au motif que :

  • D’une part, la salariée avait travaillé pour au moins un autre employeur, en exerçant les mêmes fonctions, durant ses arrêts de travail ;
  • Et d’autre part, n'avait pas informé son employeur qu'elle percevait les indemnités journalières de la sécurité sociale alors que celui-ci avait maintenu le versement de son salaire durant ses arrêts de travail.

Selon la cour d’appel, il s’en déduisait que les manquements commis par la salariée ne résident pas seulement dans ses relations avec les organismes de la sécurité sociale, mais qu'ils ont également eu pour effet d'entraîner un préjudice financier pour son employeur.

Extrait de l’arrêt :

Pour juger le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient que la salariée, d'une part, a travaillé pour au moins un autre employeur, en exerçant les mêmes fonctions, durant ses arrêts de travail et, d'autre part, n'a pas informé son employeur qu'elle percevait les indemnités journalières de la sécurité sociale alors que celui-ci avait maintenu le versement de son salaire durant ses arrêts de travail.
11. Il en déduit que les manquements commis par la salariée ne résident pas seulement dans ses relations avec les organismes de la sécurité sociale, mais qu'ils ont également eu pour effet d'entraîner un préjudice financier pour son employeur.

La Cour de cassation ne confirme pas l’arrêt de la cour d’appel, qu’elle casse et annule en renvoyant les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée. 

Son argumentation est la suivante : 

  • Le fait d’exercer une activité pour le compte d'une entreprise concurrente de l'employeur, durant un arrêt de travail, ne saurait constituer, à lui seul ;
  • Un manquement à l’obligation de loyauté, qui subsiste durant la suspension du contrat de travail.

Dans une telle situation, l’employeur doit prouver que cette situation :

  • A causé un préjudice à l’entreprise ;
  • Et ce préjudice ne saurait résulter du seul fait que l’employeur avait versé des indemnités complémentaires résulte pas du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières (NDLR : IJSS).

Extrait de l’arrêt :

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

  1. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
  1. Pour condamner la salariée à rembourser une somme à son employeur au titre de salaires indûment perçus, l'arrêt retient qu'il n'est pas contesté que la salariée n'a pas informé son employeur du fait qu'elle percevait des indemnités journalières de la sécurité sociale alors qu'il assurait le maintien de son salaire pendant ses arrêts de travail.
  1. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée, qui soutenait avoir perçu à tort des indemnités journalières et contestait en conséquence l'existence d'un indu envers son employeur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée ;

Cour de cassation du , pourvoi n°21-19132

Commentaire de LégiSocial

C’est un arrêt qui peut sembler surprenant, compte tenu du fait que le salarié doit contractuellement s’abstenir de travailler durant un arrêt de travail. 

Rappelons à cette occasion quelques obligations qui pèsent sur le salarié durant son arrêt de travail.

Les obligations du salarié

L’assuré s’engage à…

L’assuré qui déclare un arrêt de travail et adresse les 2 volets à la CPAM s’engage en outre à :

  • Accepter les contrôles de présence ;
  • Respecter les heures de sortie ;
  • Ne pas quitter la circonscription administrative sans autorisation expresse de la caisse ;
  • Se soumettre à une éventuelle contre-visite médicale (vérifier le bien fondé du versement des IJSS) ;
  • S’abstenir de travailler pour son propre compte ou pour autrui (le contrat de travail est juste suspendu) ;
  • Reprendre le travail à l’issue de l’arrêt ;
  • Passer une éventuelle visite médicale de reprise. 

Prévenir l’employeur 

Le salarié doit prévenir son employeur, le délai prévu est fixé soit

  • Par convention collective ;
  • Selon le règlement intérieur ou les usages ;
  • Par défaut, dans un délai de 48 heures (accord interprofessionnel de 1977 sur la mensualisation). 

Prévenir la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) 

Lorsque le salarié se trouve en arrêt de travail, un document lui est remis par son médecin.

Ce document « arrêt de travail » se compose de 3 volets.

  • Les deux premiers volets sont à adresser à la CPAM sous 48 heures ;
  • Le 3ème volet est à adresser à l’employeur.

S’abstenir de travailler : les activités autorisées ou pas

Le fait que le salarié soit en arrêt de travail constitue une « suspension du contrat de travail », pendant lequel les obligations de loyauté du salarié envers son employeur subsistent.

Il doit donc s’abstenir de toute activité pendant cette période.

Quelques arrêts de la Cour de cassation sont venus préciser ce point : 

Type d’activité

Activité autorisée ?

Randonnée pédestre, un dimanche et 2 jours avant de reprendre le travail

OUI

Cour de cassation du 26/01/1994 arrêt 92-40090 D

Participation aux épreuves d’un examen

OUI

Cour de cassation du 2/07/1996 arrêt 93-43529 D

Aide temporaire et bénévole à son conjoint dans un fond de commerce

OUI

Cour de cassation 18/06/2008 arrêt 07-42161

Réparation d’un véhicule pour le compte d’un salarié tout en faisant appel à un mécanicien de l’entreprise

NON

Cour de cassation du 21/10/2003 arrêt 01-43943

Être serveur de bar dans le cadre d’un emploi rémunéré (pendant plusieurs mois)

NON

Cour de cassation 12/01/2005 arrêt 02-46002 D

Article L323-6

Modifié par LOI n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 - art. 103

Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :

1° D'observer les prescriptions du praticien ;

2° De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;

3° De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;

4° De s'abstenir de toute activité non autorisée ;

5° D'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.

En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-1.

En outre, si l'activité mentionnée au 4° a donné lieu à des revenus d'activité, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L. 114-17-1.

Les élus locaux peuvent poursuivre l'exercice de leur mandat, sous réserve de l'accord formel de leur praticien.