Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 1er janvier 2007, en qualité de directeur par une société spécialisée dans l’automobile.
Il est placé en arrêt de travail du 1er janvier 2011 jusqu'à la fin du mois de janvier 2012.
Il reprend le travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique jusqu'en août 2012.
Par la suite, il fait valoir ses droits à la retraite par lettre du 19 janvier 2013.
Le 11 mai 2015, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail.
Il réclame notamment un rappel de salaires au titre d’heures supplémentaires réalisées mais non payées et le versement de dommages et intérêts au titre du dépassement de la durée maximale de travail.
Par arrêt du 9 juin 2021, la cour d'appel de Versailles déboute le salarié de sa demande, au motif que « la production par le salarié d'un décompte qui fait ressortir des chiffres différents et qui ne contient pas de calcul des heures revendiquées par semaine civile mais par mois, ne permet pas d'étayer la demande par des éléments suffisamment précis et cohérents quant aux horaires prétendument réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments »
Mais la Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Elle met en avant les éléments suivants :
Vu l'article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :
- Le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 :
9. Il résulte de ce texte que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.
10. Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire l'arrêt retient que le salarié ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice à ce titre, se bornant à invoquer un préjudice nécessaire.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [G] de ses demandes au titre des heures complémentaires, des congés payés et de l'indemnité pour travail dissimulé et à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité résultant du non-respect du mi-temps thérapeutique, des durées maximales de travail et du repos journalier et hebdomadaire, et en ce qu'il statue sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens, l'arrêt rendu le 9 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
C’est une notion des plus importantes qu’aborde présentement la Cour de cassation, à savoir la durée maximale du travail.
Faisons quelques rappels à ce sujet :
Durée maximale quotidienne
Définition générale
L’article L 3121-18 fixe la durée maximale quotidienne à 10 heures, sauf :
- En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret à venir ;
- En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
- Dans certains cas prévus à l'article L. 3121-19 (champ de la négociation collective) que nous abordons ci-après.
Article L3121-18
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.
Négociation collective
Dans le cadre de la négociation collective, l’article L 3121-19 modifié du code du travail, indique que le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif est possible :
- En cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise ;
- À condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de 12 heures.
Ce dépassement de la durée maximale quotidienne peut être prévu par :
- Convention ;
- Accord d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, par convention ou un accord de branche
Article L3121-19
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.
Durée maximale hebdomadaire
2 catégories de durées maximales
En ce qui concerne la durée maximale quotidienne, il convient de distinguer :
- La durée maximale absolue ;
- Et la durée maximale relative.
Durée maximale « absolue »
Cette durée maximale « absolue » est confirmée par l’article L 3121-20 à 48 heures par semaine.
Article L3121-20
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
L’article L 3121-21 modifié présentement par la loi travail confirme les dispositions complémentaires suivantes :
- Le dépassement de cette durée maximale peut être autorisé par l'autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de 60 heures par semaine ;
- Ce dépassement est prévu en cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci ;
- Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'ils existent, donnent leur avis sur les demandes d'autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
Article L3121-21
Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4
En cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l'article L. 3121-20 peut être autorisé par l'autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine. Le comité social et économique donne son avis sur les demandes d'autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
Durée maximale hebdomadaire « relative »
La durée maximale « relative » est fixée à 44 heures, sur une période quelconque de 12 semaines consécutives, sauf cas de dérogations prévus aux articles L 3121-23 à L 3121-25 que nous abordons ci-après.
Article L3121-22
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-23 à L. 3121-25.
Dans le cadre de la négociation collective, il peut être dérogé à la durée maximale relative, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de 12 semaines, à plus de 46 heures.
Cette dérogation peut être prévue par :
- Convention ;
- Accord d'entreprise ou d'établissement ;
- Ou, à défaut, par convention ou un accord de branche
Article L3121-23
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de douze semaines consécutives, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de douze semaines, à plus de quarante-six heures.
Enfin dans le cadre des « dispositions supplétives », et au sein des articles L 3121-24 à L 3121-26, les dérogations possibles sont prévues et sont à confirmer par décret à venir :
- À défaut d'accord collectif, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire « relative » est autorisé par l'autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, dans la limite d'une durée totale maximale de 46 heures.
- À titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de 46 heures prévue aux articles L. 3121-23 et L. 3121-24 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Nota : le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s'ils existent, donnent leur avis sur les demandes d'autorisation formulées auprès de l'autorité administrative en application des articles L. 3121-24 et L. 3121-25. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.
Article L3121-24
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-23, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire prévue à l'article L. 3121-22 est autorisé par l'autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, dans la limite d'une durée totale maximale de quarante-six heures.
Article L3121-25
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
A titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de quarante-six heures prévue aux articles L. 3121-23 et L. 3121-24 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.
Article L3121-26
Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4
Le comité social et économique donne son avis sur les demandes d'autorisation formulées auprès de l'autorité administrative en application des articles L. 3121-24 et L. 3121-25. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.