Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de directeur des ressources humaines de la « business unit filtration », statut de cadre dirigeant, à compter du 18 juillet 2016, suivant un contrat à durée indéterminée qui comportait une période d'essai de trois mois renouvelable et une rémunération composée d'une partie fixe et d'une partie variable sur objectifs.
Le 28 septembre 2016, il signe une lettre remise par la société proposant le renouvellement de sa période d'essai.
Le 1er décembre 2016, il se voit notifié la fin de la période d'essai avec un délai de prévenance d'un mois expirant le 2 janvier 2017 qu'il a été dispensé d'exécuter.
Contestant le renouvellement de la période d'essai, il saisit la juridiction prud'homale.
Par arrêt du 20 janvier 2021, la cour d'appel de Versailles déboute le salarié, mais ce dernier décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, rejetant à cette occasion le pourvoi formé par le salarié, indiquant à cette occasion que :
Ayant été constaté que :
- Le salarié avait apposé sa signature sur la lettre établie par la société lui proposant le renouvellement de sa période d'essai sans y porter d'autre mention ;
- Il ressortait des courriels et d'une attestation du recruteur que le salarié avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d'accepter le renouvellement de sa période d'essai ;
- C’est à bon droit que la cour d’appel avait débouté le salarié de sa demande de qualification de la rupture de la relation de travail en licenciement abusif.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel qui a constaté que le salarié avait, le 28 septembre 2016, apposé sa signature sur la lettre établie par la société lui proposant le renouvellement de sa période d'essai sans y porter d'autre mention et qui a relevé, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, qu'il ressortait des courriels et d'une attestation du recruteur que le salarié avait manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque d'accepter le renouvellement de sa période d'essai, a ainsi légalement justifié sa décision.
Commentaire de LégiSocial
Il convient toujours d’avoir à l’esprit que le renouvellement de la période d’essai obéit à plusieurs conditions légales que l’employeur se doit de respecter.
Un renouvellement dans le respect de certaines conditions
Sous réserve d’un accord et d’une mention sur le contrat de travail
Nota :
Le renouvellement de la période d’essai n’est possible que dans le cas :
- Où un accord de branche étendu le prévoit ;
- Et que le renouvellement soit expressément stipulé dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Dans le cas inverse...
Situation | Conclusion |
L’accord de branche n’autorise pas le renouvellement d’une période d’essai | Le renouvellement est impossible, la LMMT soumet cette possibilité à l’existence d’un accord collectif de branche étendu. |
La convention collective ne prévoit pas le renouvellement
De la même façon, si une convention collective ne prévoit pas le renouvellement de la période d’essai, la clause du contrat de travail prévoyant son renouvellement est alors nulle.
Cour de cassation 25/02/2009 pourvoi 70-40.155
Obtenir un accord exprès du salarié
La circulaire de la DGT du 17 mars 2009, précise qu’outre la condition de couverture d’un accord de branche étendu, le renouvellement nécessite l’accord des 2 parties.
Extrait circulaire DGT 2009-5 du 17/03/2009
La période d’essai initiale peut être renouvelée une fois à la condition qu’un accord de branche étendu le prévoit expressément (article L. 1221-21) et avec l’accord des deux parties.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 25 novembre 2009, indique que cet accord doit :
- Être exprès ;
- Résulter d’une volonté claire et non équivoque ;
- Intervenir au cours de période initiale.
Elle considère à cette occasion que le seul « contreseing » du salarié apposé sur la lettre adressée par son employeur restait équivoque et ne manifestait pas clairement son acceptation du renouvellement ou de la prolongation de la période d'essai que la société entendait provoquer.
Extrait de l’arrêt :
Mais attendu que le renouvellement ou la prolongation de la période d'essai doit résulter d'un accord exprès des parties et exige une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié ne pouvant être déduite de la seule apposition de sa signature sur un document établi par l'employeur ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le seul contreseing du salarié apposé sur la lettre du 16 mai 2003 que lui a adressée l'employeur restait équivoque et ne manifestait pas clairement son acceptation du renouvellement ou de la prolongation de la période d'essai que la société (…) entendait provoquer, n'encourt pas les griefs du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 25 novembre 2009 N° de pourvoi: 08-43008
Un arrêt de la Cour de cassation du 8/07/2015 confirme cette position.
Extrait de l’arrêt :
Qu'en statuant ainsi, alors que la seule signature du salarié sur la lettre remise en main propre prolongeant la période d'essai ne saurait valoir accord du salarié à son renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 décembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 8 juillet 2015
N° de pourvoi: 14-11762
Conséquence d’un renouvellement non conforme
Si le renouvellement n’a pas été obtenu dans les règles précitées, toute rupture du contrat de travail (que l’employeur imagine faire dans le cadre d’une rupture de période d’essai) doit en fait s’analyser en un licenciement… sans cause réelle et sérieuse !