Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité d'attachée commerciale, à compter du 7 avril 2014.
Licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 novembre 2015, elle a informé son employeur qu'elle avait été victime d'un accident de travail le même jour.
Contestant son licenciement, elle saisit la juridiction prud'homale le 2 février 2018.
La Cour de cassation, dans la présente affaire confirme les points suivants :
- Lorsque la lettre de licenciement a été envoyée au salarié avant qu'il ne soit victime d'un accident du travail ;
- Les effets du licenciement prononcé pour une autre cause que la faute grave ou l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie sont reportés à l'expiration de la période de suspension.
- Une cour d'appel ne peut pas dire que les effets d'un licenciement sont suspendus sans apprécier si l'arrêt de travail prescrit au salarié est en relation avec un accident du travail
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-9 et L. 1232-6 du code du travail :
9. Aux termes du premier de ces textes, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
10. Selon le second, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
11. Il en résulte que lorsque la lettre de licenciement a été envoyée au salarié avant qu'il ne soit victime d'un accident du travail, les effets du licenciement prononcé pour une autre cause que la faute grave ou l'impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie sont reportés à l'expiration de la période de suspension.
12. Pour dire que les effets du licenciement étaient suspendus et condamner l'employeur au paiement de sommes aux titres des congés payés, de la perte de l'avantage en nature du véhicule et de la prime d'intéressement, l'arrêt retient que la salariée justifiait avoir averti son employeur par mail du 3 février 2016 de ce qu'elle contestait la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de refus de prise en charge de son accident au titre des accidents du travail, de ce que l'employeur avait décidé d'appliquer le licenciement de manière rétroactive et de ce qu'il lui avait été notifié le 12 mai 2016 par la caisse primaire d'assurance maladie la décision prise par la commission de recours amiable de rejeter son recours contre le refus de la caisse de considérer son accident comme un accident du travail.
13. En statuant ainsi, sans apprécier si l'arrêt de travail était en relation avec un accident du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur au paiement de sommes au titre des congés payés, pour perte de son avantage en nature et au titre de la prime d'intéressement entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à remettre à la salariée les documents de fin de contrat tenant compte de la présente décision, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société (…) à payer à Mme [J] les sommes de 879 euros au titre des congés payés du 4 février au 12 mai 2016, de 808 euros pour perte de son avantage en nature et de 3 600 euros au titre de la prime d'intéressement, et en ce qu'il condamne l'employeur à remettre à la salariée les documents de fin de contrat tenant compte de la décision, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire est l’occasion pour nous de rappeler les dispositions légales concernant le licenciement et la protection dont bénéficie le salarié victime d’un accident du travail.
Protection du salarié : principe général
En application des dispositions de l’article L 1226-9 du code du travail :
Au cours des périodes de suspension du contrat de travail (NDLR : arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou pour une maladie d’origine professionnelle) :
- L’employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Article L1226-9
Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Régime identique en cas de mise en quarantaine
L’article L 1226-9-1 du code du travail, modifié par la loi n°2022-1089 du 30 juillet 2022, confirme que ces dispositions s’appliquent également en cas de mise en quarantaine prévue à l’article L 3131-1 du code de la santé publique.
Article L1226-9-1
Modifié par LOI n°2022-1089 du 30 juillet 2022 - art. 1 (V)
Les dispositions de la présente sous-section s'appliquent en cas de mise en quarantaine au sens du 2° du I de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.
Article L3131-1
Modifié par LOI n°2022-1089 du 30 juillet 2022 - art. 1 (V)
I.-En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire :
1° Toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l'organisation et au fonctionnement du système de santé ;
2° Des mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement, dans les conditions prévues au I des articles L. 3131-12 et L. 3131-13.II.-Le ministre peut habiliter le représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures d'application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles.
Le représentant de l'Etat dans le département et les personnes placées sous son autorité sont tenus de préserver la confidentialité des données recueillies à l'égard des tiers.
Le représentant de l'Etat rend compte au ministre chargé de la santé des actions entreprises et des résultats obtenus en application du présent article.
III.-Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l'objet d'une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.