Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé, suivant contrat de travail du 17 avril 1979 en qualité d'inspecteur adjoint.
Il a ensuite été promu aux fonctions d'inspecteur principal.
Le 3 octobre 2014, l'employeur informe le salarié de l'attribution d'un véhicule d'entreprise pour l'exercice de ses fonctions, ce que ce dernier a refusé, considérant qu'elle emportait modification de son contrat de travail.
Le 2 juin 2016, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'un rappel de frais kilométriques et de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
Par arrêt du 19 mai 2021, la cour d'appel de Bordeaux donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, confirmant à cette occasion que :
Ayant été retenu que :
- La lettre d'engagement renvoyait explicitement aux conditions générales du personnel ;
- Le salarié bénéficiait, de par son contrat de travail, d'un remboursement de ses frais de déplacement.
Ayant été constaté que :
- L’employeur avait par la suite, indiqué au salarié par courrier qu’un véhicule de l'entreprise lui serait attribué pour effectuer ses déplacements professionnels et que cette affectation impliquait qu'il n'avait plus à utiliser son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions et des déplacements y afférents ;
- L’annulation et le remplacement de l'indemnité de remboursement des frais de déplacement, par la mise à disposition d’un véhicule de l’entreprise constituaient une modification du contrat de travail dépassant le simple pouvoir de direction de l'employeur.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
5. La cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a, d'abord, constaté que la lettre d'engagement du salarié du 19 avril 1979 prévoyait le recrutement du salarié en qualité d'inspecteur-adjoint « aux mêmes conditions générales que notre personnel et aux conditions particulières suivantes : inspecteur-adjoint premier échelon au service électrique avec comme lieu de travail (…) ».
6. Elle a, ensuite, relevé que l'accord du 26 février 1976 sur les conditions de déplacement prévoyait en son article 1.1.1 que ce texte s'appliquait « aux salariés appelés à se déplacer habituellement et pour lesquels la nécessité des déplacements est généralement prévue par le contrat de travail soit explicitement, soit implicitement en raison de la nature du travail ou du poste » et que l'employeur ne contestait nullement que la nature même des fonctions du salarié impliquait pour celui-ci des déplacements professionnels et donc nécessairement l'utilisation par lui de son véhicule personnel.
7. Elle a souverainement retenu que, dans la mesure où la lettre d'engagement renvoyait explicitement aux conditions générales du personnel, le salarié bénéficiait, de par son contrat de travail, d'un remboursement de ses frais de déplacement.
8. Elle a encore constaté que l'employeur, par courrier du 3 octobre 2014, indiquait au salarié qu'à compter de janvier 2015 un véhicule de l'entreprise lui serait attribué pour effectuer ses déplacements professionnels et que cette affectation impliquait qu'il n'avait plus à utiliser son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions et des déplacements y afférents.
9. Elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, qu'impliquant l'annulation et le remplacement de l'indemnité de remboursement des frais de déplacement, cette mise à disposition constituait une modification du contrat de travail dépassant le simple pouvoir de direction de l'employeur.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Commentaire de LégiSocial
Nombreux sont les arrêts de la Cour de cassation abordant la modification du contrat de travail.
Voici un rappel de quelques affaires, abordées sur notre site :
Thématiques | Références |
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