Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé à compter du 29 mars 1994, en qualité de vendeur encaisseur, par un contrat à temps partiel à hauteur de 30 heures par semaine.
A compter de mars 1999, le salarié travaille à temps complet.
A compter du 7 septembre 2012, l'employeur a réduit unilatéralement le nombre d'heures à 108,33 par mois et, le 11 mai 2015, il a proposé de le réduire à 76 heures.
Le 22 juillet 2015, le salarié a refusé la diminution du nombre de ses heures de travail et demandé une régularisation sur la base d'un temps complet de 169 heures.
Le 9 septembre 2015, l'employeur a renoncé à la réduction à 76 heures et a régularisé la période de mai à août 2015 sur la base de 108,33 heures.
Le 30 septembre 2015, le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail, et le 23 octobre 2015, il saisit la juridiction prud'homale aux fins de faire requalifier son contrat de travail en contrat à temps plein et juger que sa prise d'acte avait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par arrêt du 8 décembre 2020, la cour d'appel de Grenoble déboute le salarié de sa demande, estimant que :
- Le salarié ne pouvait, en 2015, critiquer la réduction du temps de travail intervenue en septembre 2012 ;
- Alors que le contrat s'était poursuivi sans contestation de sa part pendant trois années.
Sans que cela ne soit très surprenant au passage, la Cour de cassation ne partage pas du tout l’opinion de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d’appel de Lyon.
Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle en effet que :
- Le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
- Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur ;
- Cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.
En conséquence, le salarié ne saurait être débouté de sa demande de requalification en temps complet, ayant en outre constaté que :
- L’employeur avait unilatéralement diminué le temps de travail et que cette diminution n'avait donné lieu à aucun avenant.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
- L'employeur soutient que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable.
- Cependant par ses conclusions devant la cour d'appel, le salarié a expressément sollicité le bénéfice d'une présomption d'une durée de travail à temps complet en se fondant sur l'absence d'écrit du contrat.
- Dès lors le moyen, qui n'est pas nouveau, est recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
- Selon ce texte, le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.
- Pour débouter le salarié de sa demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet, la cour d'appel a jugé que le salarié ne pouvait, en 2015, critiquer la réduction du temps de travail intervenue en septembre 2012, alors que le contrat s'était poursuivi sans contestation de sa part pendant trois années.
- En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait unilatéralement diminué le temps de travail et que cette diminution n'avait donné lieu à aucun avenant, la cour d'appel, qui ne pouvait écarter la présomption de travail à temps complet qui en résultait sans rechercher si l'employeur justifiait de la durée de travail exacte convenue et que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur, a violé le texte susvisé.
(…)PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'appel de la société (…) , l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Commentaire de LégiSocial
Dans l’affaire présente, la Cour de cassation aborde, une fois encore le contrat à temps partiel, et le manque de précision parfois constatée sur les contrats rédigés.
Rappelons quelques principes fondamentaux à ce sujet, et notamment la rédaction du contrat de travail, très encadré par l’article L 3123-6 du code du travail.
Lire aussi : Les requalifications des contrats CDD : dispositions en vigueur en 2024 Fiche pratique
Suite à une action prud’homale, des contrats CDD peuvent faire l’objet d’une requalification en CDI. Notre fiche pratique vous informe à ce sujet.
Le contrat de travail
C’est désormais au sein de l’article L 3123-6 du code du travail que nous pouvons retrouver les dispositions concernant le contrat de travail d’un salarié à temps partiel.
Cet article confirme que le contrat est un contrat écrit.
Concernant le contenu du contrat, l’article L 3123-6 confirme que le contrat mentionne les points suivants :
- La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3124-44 (référence à l’organisation du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine), la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
- Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
- Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
- Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
- L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 (dispositif complément d’heures) mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Article L3123-6
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat.