Contexte de l'affaire
Le contexte de cette affaire est assez complexe :
- Un salarié est engagé en qualité de coordinateur de camionnage le 6 septembre 1993 ;
- Il est investi de divers mandats de représentant du personnel.
- Un accord collectif majoritaire définissant les mesures d'un PSE a été conclu au sein de la société le 15 mai 2014 et validé le 2 juin suivant par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- Cet accord prévoit le versement, à compter du 1er septembre 2014, d'une prime de maintien dans l'emploi, d'un montant de 15 % du salaire mensuel brut moyen calculé sur les douze derniers mois, aux salariés occupant des postes dont la suppression devait intervenir plus tard, dans la mesure où les licenciements étaient échelonnés dans le temps ;
- Le poste du salarié, il a bénéficié du versement de cette prime.
- Par la suite, le salarié est convoqué à un entretien préalable au licenciement pour motif économique le 18 décembre 2014.
- Mais l'autorisation de licenciement est refusée par décision de l'inspecteur du travail du 15 avril 2015, confirmée par décision du ministre du travail du 23 novembre suivant.
- Par lettre du 9 février 2016, l'employeur a indiqué au salarié qu'en conséquence de la décision du ministre du 23 novembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement pour motif économique, il était maintenu dans son poste et ne pouvait plus dès lors percevoir la prime de maintien dans l'emploi, laquelle ne lui a plus été versée à compter du mois de décembre 2015 ;
- Par jugement du 20 décembre 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de l'employeur en annulation de la décision du ministre du travail du 23 novembre 2015.
- Le salarié est à nouveau convoqué le 22 février 2016 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique ;
- La décision de refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail du 31 mai 2016 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet du recours hiérarchique, le 4 décembre 2016, confirmée par décision du ministre du travail du 11 janvier 2017.
Finalement, le 23 février 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes tendant notamment à ordonner le rétablissement de la prime de maintien dans l'emploi prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi avec effet rétroactif au mois de décembre 2015 et à obtenir paiement d'un rappel de salaire à ce titre.
La cour d’appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 22 avril 2021, donne raison au salarié et ordonne le rétablissement de la prime de maintien dans l’emploi à compter de décembre 2015.
Pour cela, la cour d’appel :
- Elle retient que, si la décision du ministre du travail du 11 janvier 2017 a conduit de facto au maintien du salarié dans son emploi, elle n'a pas pour autant décidé du maintien de son emploi, la suppression du poste ayant été décidée par l'employeur et actée dans le PSE ;
- Elle indique également que l'accord collectif d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi du 15 mai 2014 prévoit que cet accord est conclu pour la durée déterminée liée à la mise en œuvre du projet avec une information de son suivi et qu'au terme de la mise en œuvre du projet et de ses modalités d'accompagnement, le projet cessera de plein droit de produire tout effet.
Il se déduit de tout cela :
- Qu’à défaut pour l'employeur de justifier que le projet de restructuration a cessé de produire effet ;
- Ce dernier tenu au paiement de la prime de maintien dans l'emploi conformément à l'engagement qu'il a pris et dont il ne peut se délier unilatéralement.
Mais toute cette argumentation ne convainc pas la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, confirmant à cette occasion que :
Dès lors que :
- Le licenciement économique du salarié protégé n'avait pas été autorisé par l'administration, son poste ne pouvait plus être supprimé en application des mesures du PSE définies par un accord collectif ;
- Le salarié ne pouvait donc prétendre au versement de la prime de maintien dans l'emploi, instituée par cet accord
L’affaire sera donc rejugée par la cour d’appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article 3.12 de l'accord collectif d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi du 15 mai 2014 :
- Aux termes de ce texte, intitulé « prime de maintien dans l'emploi pour les salariés dont les postes seront supprimés », « Dans la mesure où les licenciements seront échelonnés, et afin de maintenir un niveau de motivation adéquat, il est prévu de verser aux salariés dont la suppression du poste est prévue plus tard, une indemnité mensuelle brute de maintien de l'emploi, sous réserve d'un travail effectif et efficient. Cette prime sera versée au salarié à compter du 1er septembre 2014. A cette fin, un avenant au contrat de travail, prévoyant le montant et les modalités de versement de cette prime (objectifs liés à l'accompagnement et au suivi, prise en compte de ses absences, échéances?) sera prévu. Sur toute la durée de ce maintien dans les fonctions, le montant mensuel de la prime versée est égal à 15 % du salaire mensuel brut moyen calculé sur les 12 derniers mois précédant le premier mois de son versement ».
- Pour ordonner le rétablissement au profit du salarié de la prime de maintien dans l'emploi à compter du mois de décembre 2015 et condamner la société au paiement d'un rappel de salaire à ce titre, l'arrêt retient que, si la décision du ministre du travail du 11 janvier 2017 a conduit de facto au maintien du salarié dans son emploi, elle n'a pas pour autant décidé du maintien de son emploi, la suppression du poste ayant été décidée par l'employeur et actée dans le plan de sauvegarde de l'emploi. Il énonce encore que l'accord collectif d'entreprise sur le plan de sauvegarde de l'emploi du 15 mai 2014 prévoit que cet accord est conclu pour la durée déterminée liée à la mise en oeuvre du projet avec une information de son suivi et qu'au terme de la mise en oeuvre du projet et de ses modalités d'accompagnement, le projet cessera de plein droit de produire tout effet. Il en déduit qu'à défaut pour l'employeur de justifier que le projet de restructuration a cessé de produire effet, il est tenu au paiement de la prime de maintien dans l'emploi conformément à l'engagement qu'il a pris et dont il ne peut se délier unilatéralement.
- En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, par décision du 11 janvier 2017, le ministre du travail avait confirmé la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 31 mai 2016 de refus d'autorisation de licenciement du salarié pour motif économique, aux motifs de l'absence de démonstration d'une menace sur la compétitivité du groupe TNT auquel appartient la société, à la suite de l'acquisition, en 2016, de ce groupe par le groupe (…), ce dont il résultait que la cause économique invoquée pour licencier le salarié, tirée de la menace sur la compétitivité qui justifiait la réorganisation décidée en 2014 n'existant plus, le poste de ce dernier ne pouvait plus être supprimé en application des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi définies par l'accord collectif du 15 mai 2014 et que, dès lors, le salarié ne pouvait prétendre au versement de la prime de maintien dans l'emploi instituée par cet accord que pour la période du 15 décembre 2015 au 11 janvier 2017, la cour d'appel, qui a ordonné le rétablissement de la prime de maintien dans l'emploi au bénéfice du salarié à compter du 15 décembre 2015 sans limitation de durée et alloué à ce dernier un rappel de salaire portant notamment sur la période postérieure au 11 janvier 2017, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
- La cassation des chefs de dispositif ordonnant le rétablissement de la prime de maintien dans l'emploi au profit du salarié pour la période postérieure au 11 janvier 2017 et condamnant la société à payer au salarié un rappel de salaire à ce titre n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il ordonne le rétablissement de la prime de maintien dans l'emploi au profit de M. [T] pour la période postérieure au 11 janvier 2017 et en ce qu'il condamne la société (…) à payer à M. [T] un rappel de salaire à ce titre, l'arrêt rendu le 22 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire abordant le licenciement pour une cause économique, dispositif très modifié par les ordonnances dites « Macron » de 217.
Les informations ci-après communiquées sont extraites d’une fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique, et à retrouver au lien suivant :
Lire aussi : Quelle est la définition d'un licenciement économique en 2024 ? Fiche pratique
La présente fiche pratique vous donne les informations importantes concernant le licenciement économique, selon les dispositions en vigueur sur l’année 2024.
La définition du licenciement pour motif économique
Principe général
Constitue un licenciement économique, celui qui répond à la définition suivante :
- Licenciement non-inhérent à la personne du salarié ;
- Licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié.
4 causes de licenciement
La loi travail complète désormais la liste des causes de licenciement (qui n’est toutefois pas limitative).
Sont ainsi confirmées les 4 causes pouvant justifier le licenciement économique :
- Difficultés économiques ;
- Mutations technologiques ;
- Réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- Cessation d'activité de l'entreprise.