Contexte de l'affaire
Une salariée est engagée en qualité de chef maquilleuse, entre les 26 mars 2002 et 22 avril 2015, par une société de télévision, suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage successifs.
La salariée saisit la juridiction prud'homale le 19 février 2016 à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes.
La cour d’appel de Versailles, par arrêt du 6 mai 2020, déboute la salariée de sa demande, donnant à cette occasion l’argumentation suivante :
Il était retenu que :
- L’intéressée était employée, par intermittence, pour une durée limitée à quelques jours par mois, que la durée de ses différentes missions lui était communiquée plusieurs jours à l'avance ;
- De sorte qu'elle pouvait prévoir le rythme de son travail, et qu'en dehors de ses prestations ponctuelles de travail liées aux tournages d'émissions télévisuelles ;
- Elle n'était pas tenue de rester à la disposition permanente de son employeur.
Selon la cour d’appel, il s’en « déduit l'existence d'éléments suffisamment précis et concordants permettant de détruire la présomption de travail à temps plein ».
Mais toute cette argumentation ne convainc pas la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
Selon la Cour de cassation :
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
- Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
- Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3123-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
7. Selon ce texte, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations d'aide à domicile, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
8. Il en résulte que l'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
9. Pour débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'arrêt retient que l'intéressée était employée, par intermittence, pour une durée limitée à quelques jours par mois, que la durée de ses différentes missions lui était communiquée plusieurs jours à l'avance, de sorte qu'elle pouvait prévoir le rythme de son travail, et qu'en dehors de ses prestations ponctuelles de travail liées aux tournages d'émissions télévisuelles, elle n'était pas tenue de rester à la disposition permanente de son employeur. Il en déduit l'existence d'éléments suffisamment précis et concordants permettant de détruire la présomption de travail à temps plein.
10. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur faisait la démonstration de la durée exacte de travail convenue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif de l'arrêt limitant la fixation au passif de la société à diverses sommes l'indemnité de requalification, l'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, l'indemnité de licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [W] épouse [I] de sa demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein et en ce qu'il limite la fixation de la créance de cette dernière au passif de la liquidation judiciaire de la société (…) aux sommes de 564,80 euros à titre d'indemnité de requalification, 1 129,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, 1 486,55 euros à titre d'indemnité de licenciement et 7 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 6 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Une nouvelle fois la Cour de cassation aborde le cas particulier d’un contrat à temps partiel, pour lequel nous invitons les services RH à la plus grande prudence, surtout concernant la rédaction du contrat de travail.
Voici quelques informations à ce sujet, extraites de notre fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique, et à retrouver au lien suivant :
Lire aussi : La définition du salarié à temps partiel et son contrat de travail en 2024 Fiche pratique
Comment se définit un salarié à temps partiel ? ce contrat est-il proposé de façon hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ? Quelles sont les particularités du contrat ? La présente fiche pratique répond à toutes ces questions.
Le contrat de travail
C’est désormais au sein de l’article L 3123-6 du code du travail que nous pouvons retrouver les dispositions concernant le contrat de travail d’un salarié à temps partiel.
Cet article confirme que le contrat est un contrat écrit.
Concernant le contenu du contrat, l’article L 3123-6 confirme que le contrat mentionne les points suivants :
- La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3124-44 (référence à l’organisation du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine), la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
- Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
- Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
- Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
- L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 (dispositif complément d’heures) mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Article L3123-6
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 8 (V)
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au delà de la durée fixée par le contrat.