Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de pâtissier, le 18 février 2014.
Le 27 octobre 2014, il saisit la juridiction prud'homale afin d'obtenir diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 15 novembre 2016, la société fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.
L'AGS CGEA IDF Ouest est intervenue à l'instance.
La cour d’appel de Paris, par arrêt du 20 mai 2020, déboute le salarié de sa demande, aux motifs que :
- Pour toute la période de février au mois d'août 2014, le salarié a bien été destinataire de bulletins de salaire à en-tête de la société, comportant les mentions conformes au contrat de travail à temps partiel signé le 18 février 2014 ;
- Il était constaté que les relevés de compte bancaire sont transmis de façon très parcellaire par le salarié et ne permettent pas de conforter ses allégations ;
- Et retient que les trois attestations écrites de la même main et dans des termes similaires n'ont pas d'effet probant.
A l’inverse, la cour d’appel indique que :
- La production d'un contrat de travail écrit, d'une déclaration unique d'embauche et de bulletins de salaire conformes attestent d'une relation de travail régulière ;
- Que ni les attestations ni les relevés de compte adverses ne suffisent à contredire.
La cour d’appel relève en outre que les allégations du salarié, qui aurait travaillé plus de huit mois, sans être payé, sans jamais réclamer ses salaires, tout en acceptant ses bulletins de paye apparaissent peu vraisemblables.
La Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt, renvoyant les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée
La Cour de cassation indique, à cette occasion, ce qui est de jurisprudence constante que :
- L’acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat ;
- Ainsi, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles 1315, devenu 1353, du code civil et L. 3243-3 du code du travail :
6. Selon le premier de ces textes, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
7. Aux termes du second, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de sa part, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
8. Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire.
9. Pour rejeter la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaires, l'arrêt retient que pour toute la période de février au mois d'août 2014, le salarié a bien été destinataire de bulletins de salaire à en-tête de la société, comportant les mentions conformes au contrat de travail à temps partiel signé le 18 février 2014. Il constate que les relevés de compte bancaire sont transmis de façon très parcellaire par le salarié et ne permettent pas de conforter ses allégations. Il retient que les trois attestations écrites de la même main et dans des termes similaires n'ont pas d'effet probant.
10. L'arrêt énonce qu'à l'inverse, la production d'un contrat de travail écrit, d'une déclaration unique d'embauche et de bulletins de salaire conformes attestent d'une relation de travail régulière que ni les attestations ni les relevés de compte adverses ne suffisent à contredire. Il relève en outre que les allégations du salarié, qui aurait travaillé plus de huit mois, sans être payé, sans jamais réclamer ses salaires, tout en acceptant ses bulletins de paye apparaissent peu vraisemblables.
11. En statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il appartient à l'employeur de prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Commentaire de LégiSocial
Il est fréquent que la Cour de cassation se penche sur la problématique du bulletin de paie, voici un rappel de quelques arrêts abordés sur notre site à ce sujet :
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