Lorsqu’un salarié argue du caractère équivoque de sa démission, la rupture ne peut s’analyser en prise d’acte

Jurisprudence
Paie Démission

Lorsqu'un salarié argue du caractère équivoque de sa démission, au motif de la contrainte ayant vicié son consentement, le juge ne peut analyser cette démission en prise d'acte.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé, en qualité d'ouvrier du bâtiment par un contrat de travail à effet du 27 novembre 2006.


Par lettre du 27 septembre 2012, le salarié a indiqué qu'il était démissionnaire et qu'il n'avait pas été rempli de l'intégralité de ses droits notamment en matière de déplacements et de temps de travail.

Licencié pour inaptitude le 16 mai 2013, il a saisi la juridiction prud'homale le 14 juin 2013.

La cour d’appel d’Amiens, par arrêt du 13 novembre 2019, donne raison au salarié en estimant que la relation de travail n’avait pas été rompu par l’effet d’une démission du salarié.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel sur ce point. 

Il était en effet constaté que :

  • Dans une lettre du 7 décembre 2012 adressée après que l'employeur lui avait demandé de préciser sa volonté de démission ;
  • Le salarié avait clairement indiqué à son employeur qu'il n'avait pas souhaité démissionner, que sa lettre du 17 septembre 2012 était un acte impulsif et qu'il sollicitait de l'employeur des mesures de conciliation envisageant la résolution de leurs conflits par accord amiable ;
  • De sorte que la démission, qui était équivoque, avait été rétractée ;
  • De sorte que c’est à bon droit que la cour d'appel a décidé que la relation de travail n'avait pas été rompue par l'effet d'une démission du salarié et qu'il convenait en conséquence d'examiner le bien-fondé du licenciement

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour
10. Lorsqu'un salarié argue du caractère équivoque de sa démission, non à raison de l'existence d'un différend, antérieur ou concomitant de sa démission, qui permettrait de l'analyser en une prise d'acte de la rupture, mais au motif de la contrainte ayant vicié son consentement, le juge ne peut analyser cette démission en prise d'acte.
11. Après avoir constaté que, dans une lettre du 7 décembre 2012 adressée après que l'employeur lui avait demandé de préciser sa volonté de démission, le salarié avait clairement indiqué à son employeur qu'il n'avait pas souhaité démissionner, que sa lettre du 17 septembre 2012 était un acte impulsif et qu'il sollicitait de l'employeur des mesures de conciliation envisageant la résolution de leurs conflits par accord amiable, la cour d'appel a retenu que la démission, qui était équivoque, avait été rétractée.
12. En l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a décidé à bon droit que la relation de travail n'avait pas été rompue par l'effet d'une démission du salarié et qu'il convenait en conséquence d'examiner le bien-fondé du licenciement.

Cour de cassation du , pourvoi n°21-13628

Commentaire de LégiSocial

La présente affaire aborde la notion de « démission équivoque ». 

Plus que jamais, surtout depuis l’instauration d’une « présomption de démission en cas d’abandon de poste », les gestionnaires de paie, les employeurs et tous les services RH doivent posséder les notions fondamentales concernant la rupture du contrat de travail par l’effet d’une démission. 

Voici à cette occasion un rappel de quelques notions fondamentales, issues de notre fiche pratique disponible en téléchargement sur notre site : 

La définition de la démission

La démission ne concerne que les salariés sous contrat CDI.

Elle met un terme au contrat de travail.

Il serait totalement faux de parler de démission pour un salarié en contrat CDD, il s’agit dans ce cas précis d’une « rupture unilatérale du contrat de travail ».

C’est l’article L 1231-1 du Code du travail qui donne la définition de la démission comme suit, confirmant que la démission n’intervient pas durant la période d’essai, en effet nous sommes alors dans le cadre d’une « rupture de la période d’essai », autre motif de rupture du contrat de travail.

Article L1231-1

Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 5

Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre.

Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d'essai. 

Un droit pour tous les salariés

Tout salarié a donc le droit de démissionner, on dit parfois que ce principe est « d’ordre public ».

Cela sous-entend qu’aucune disposition conventionnelle ou contractuelle ne peut y déroger, il serait totalement absurde d’insérer par exemple une clause sur un contrat de travail interdisant à un salarié de démissionner.

Sous quelle forme ?

Il n’existe pas légalement de formalisme concernant la démission.

La démission peut donc être verbale ou écrite.

Exemples de démissions acceptées, sous forme verbale 

  • « A partir de ce jour, je ne fais plus partie de l'entreprise ». 

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 10 décembre 1980 
N° de pourvoi: 79-41105

  • "Je prends ma veste et je m'en vais"

Cour de cassation du 08/10/1970 

  • « Je vous donne mes huit jours »

Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 20 juillet 1967 

N° de pourvoi : 66-40455

Dispositions conventionnelles

De nombreuses conventions collectives imposent la rédaction d’une lettre, à adresser par lettre recommandée avec avis de réception. 

Cependant la jurisprudence considère que le non-respect de ce formalisme conventionnel ne suffit pas à lui seul à remettre en cause la démission.

Réponse de l’employeur

De la même façon qu’il n’existe pas de formalisme légal concernant l’acte de démission, rien n’oblige l’employeur à répondre au salarié démissionnaire, mais rien ne lui permet de refuser la démission de son salarié.