L’employeur doit suivre les recommandations du médecin du travail qui préconise le télétravail

Jurisprudence
Paie Inaptitude

Si le médecin du travail préconise le passage en télétravail d’un salarié déclaré inapte, l’employeur a l’obligation de s’y conformer, si les fonctions du salarié le permettent, même lorsque le télétravail n’a pas déjà été instauré dans l’entreprise.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité de secrétaire médicale par une association de santé au travail, à compter du 25 novembre 1982. La salariée exerçant en dernier lieu les fonctions d'assistante coordinatrice d'équipe pluridisciplinaire.

A l'issue de deux examens médicaux des 3 et 17 février 2016, elle est déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, ce dernier préconisant toutefois le passage en télétravail de la salariée.

Elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 7 décembre 2016, mais saisit la juridiction prud’homale, estimant que son employeur n’a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement.
La cour d’appel de Paris, par arrêt du 3 février 2021, donne raison à la salariée sur ce point, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, mettant en avant l’argumentation suivante : 

  • Lorsque le médecin du travail préconise le passage en télétravail d’un salarié déclaré inapte;
  • L’employeur a l’obligation de s’y conformer quand cela est compatible avec les fonctions du salarié, y compris si le télétravail n’a pas déjà été instauré dans l’entreprise ;
  • À défaut, l’employeur est réputé ne pas avoir exécuté loyalement son obligation de reclassement, dès lors que l'aménagement d'un poste en télétravail peut résulter d'un avenant au contrat de travail.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

  1. L'article L. 1226-12 du même code dispose que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.

  1. Il appartient à l'employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
  1. L'arrêt relève que le médecin du travail était parfaitement clair dans l'avis d'inaptitude du 17 février 2016 sur les dispositions à mettre en œuvre de nature à permettre à la salariée de conserver son emploi en précisant qu'elle pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié et en confirmant cet avis le 7 juin 2016 en réponse aux questions de l'employeur.
  1. L'arrêt retient encore que la salariée occupait en dernier lieu un poste de « coordinateur », que les missions accomplies et non contestées par l'employeur, d'une part ne supposaient pas l'accès aux dossiers médicaux et, d'autre part, étaient susceptibles d'être pour l'essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.
  1. En l'état de ces constatations, dont elle a déduit que l'employeur n'avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement, et sans être tenue d'effectuer la recherche invoquée par le moyen pris en sa première branche dès lors que l'aménagement d'un poste en télétravail peut résulter d'un avenant au contrat de travail, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Cour de cassation du , pourvoi n°21-15472

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de la présente affaire pour faire un bref rappel des dispositions du BOSS concernant la prise en charge des frais engagés par le salarié dans le cadre du télétravail, et plus précisément le régime social de cette prise en charge.

Toutes les informations à ce sujet, sont à retrouver en intégralité au sein de notre fiche pratique dédiée, disponible en téléchargement sur notre site au lien suivant : 

Le barème 2023

A l’occasion de la mise à jour du 31 décembre 2022, l’URSSAF confirme les informations suivantes :

Versement allocations forfaitaires

  • Lorsque le salarié en situation de télétravail engage des frais, l’allocation forfaitaire versée par l’employeur sera réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite de 10,40 € par journée de télétravail par semaine.

Ainsi, un salarié qui télétravaille 2 jours toutes les semaines peut bénéficier d’une indemnité de 20,80 euros par mois destinée à couvrir les frais, sans justificatif.

  • En cas d’allocation fixée par jour : 2,60 € par jour de télétravail, dans la limite de 57,20 € par mois.

Versement allocations forfaitaires prévues par accord collectif

  • Si l’allocation forfaitaire est prévue par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe, elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors que l’allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés. 

Dépassement des limites

  • Lorsque le montant versé par l’employeur dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales pourra être admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.