Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité de chargé d'opération le 15 mars 1993, occupant en dernier lieu les fonctions de directeur de projet, responsable de l'unité opérationnelle « Routes-infrastructures ».
A la suite de son refus de deux propositions de reclassement, le salarié a été avisé le 16 octobre 2015 des motifs conduisant à son licenciement économique et le contrat de travail a pris fin le 6 novembre 2015 à l'issue du délai de rétractation du contrat de sécurisation professionnelle que le salarié avait accepté.
Le salarié saisit la juridiction prud’homale, aux fins que son licenciement soit considéré « sans cause réelle et sérieuse », estimant que son poste n’avait pas été supprimé présentement.
La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 12 novembre 2020, donne raison au salarié, relevant les faits suivants :
- Il était retenu d’abord que, selon l'employeur lui-même, le salarié n'occupait pas effectivement un poste de directeur de projet, qui n'était qu'un « intitulé » lui ayant été attribué à compter de janvier 2014, sans que cela corresponde à une quelconque modification du contrat ;
- Il était relevé ensuite que la société ne conteste pas que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle, qu'occupait concrètement l'intéressé, a bien été confié à M. [F], chef de projet ;
- Il en conclut que le poste occupé par le salarié, à savoir celui de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD, dans le cadre desquelles, outre ses missions de management du département infrastructures routières-VRD, il exerçait des fonctions de chef de projets, n'a en aucune façon été supprimé par la société dans le cadre de la réorganisation de ses services et que la suppression d'un « directeur de projets », qui ne constituait pas une fonction opérationnelle ni un emploi au sein de l'entreprise, mais correspondait simplement au positionnement d'un chef de projet accompli, ne pouvait justifier le licenciement pour motif économique du salarié.
Mais la Cour de cassation ne partage pas l’avis de la cour d’appel dont elle casse et annule l’arrêt considérant que dans l’affaire présente la cour d’appel avait méconnu le fait que :
- Un autre salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de M. [F] ayant repris les tâches accomplies par le salarié licencié ;
- Alors que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de l'attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est une suppression d'emploi.
En résumé, la Cour de cassation confirme ici que :
- La suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de l'attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est une suppression d'emploi ;
- Qui, si elle repose sur un motif économique, justifie la mise en route d’un licenciement économique.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1988 du 8 août 2016 :
8. Aux termes de cet article, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
9. Pour condamner la société à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient d'abord que, selon l'employeur lui-même, le salarié n'occupait pas effectivement un poste de directeur de projet, qui n'était qu'un « intitulé » lui ayant été attribué à compter de janvier 2014, sans que cela corresponde à une quelconque modification du contrat. Il relève ensuite que la société ne conteste pas que le poste fonctionnel de responsable de l'unité opérationnelle, qu'occupait concrètement l'intéressé, a bien été confié à M. [F], chef de projet.
10. Il en conclut que le poste occupé par le salarié, à savoir celui de responsable de l'unité opérationnelle infrastructures et VRD, dans le cadre desquelles, outre ses missions de management du département infrastructures routières-VRD, il exerçait des fonctions de chef de projets, n'a en aucune façon été supprimé par la société dans le cadre de la réorganisation de ses services et que la suppression d'un « directeur de projets », qui ne constituait pas une fonction opérationnelle ni un emploi au sein de l'entreprise, mais correspondait simplement au positionnement d'un chef de projet accompli, ne pouvait justifier le licenciement pour motif économique du salarié.
11. En statuant ainsi, sans constater qu'un autre salarié avait été engagé pour exercer les fonctions de M. [F] ayant repris les tâches accomplies par le salarié licencié, alors que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de l'attribution des tâches accomplies par le salarié licencié à un autre salarié demeuré dans l'entreprise, est une suppression d'emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire abordant le licenciement économique, nous en profitons pour rappeler quelques notions sur ce motif de rupture, les informations ci-après étant extraites d’une de nos fiches pratiques consacrées à cette thématique.
Lire aussi : Quelle est la définition d'un licenciement économique en 2024 ? Fiche pratique
La présente fiche pratique vous donne les informations importantes concernant le licenciement économique, selon les dispositions en vigueur sur l’année 2024.
La définition du licenciement pour motif économique
Principe général
Constitue un licenciement économique, celui qui répond à la définition suivante :
- Licenciement non-inhérent à la personne du salarié ;
- Licenciement résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail refusée par le salarié.
4 causes de licenciement
La loi travail complète désormais la liste des causes de licenciement (qui n’est toutefois pas limitative).
Sont ainsi confirmées les 4 causes pouvant justifier le licenciement économique :
- Difficultés économiques ;
- Mutations technologiques ;
- Réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
- Cessation d'activité de l'entreprise.
Précisions sur la notion de « difficultés économiques »
Au sein de l’article L 1233-3 du code du travail, les difficultés économiques sont caractérisées :
- Soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation ;
- Soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires :
Nouveauté introduite par la loi travail, la baisse considérée « significative » des commandes ou du chiffre d’affaires varie selon l’effectif de l’entreprise, en retenant une période identique de l’année précédente et au moins égale à :
- 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
- 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
- 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
- 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.
Article L1233-1
Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature ainsi que, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux.
Article L1233-2
Modifié par LOI n°2008-596 du 25 juin 2008 - art. 4
Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.
Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.