Un salarié en congé de reclassement ouvre droit au paiement de la prime PEPA

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Ouvre droit au paiement de la prime PEPA, le salarié en congé de reclassement pour la période correspondant à la période de préavis.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé en qualité d'opérateur encapsulation, le 11 mai 2006. 

Licencié pour motif économique par lettre du 1er octobre 2018, le salarié a adhéré au congé de reclassement qui lui a été proposé d'une durée de 12 mois, préavis inclus, à l'issue duquel son contrat de travail a été rompu. 

Estimant avoir droit à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour l'année 2018, le salarié saisit la juridiction prud'homale.

Le Conseil de prud'hommes d'Haguenau, par jugement du 17 août 2021, condamne l’employeur à payer au salarié une somme correspondant à l'intégralité de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, retenant pour cela que :

  • Le salarié était présent et travaillait dans l'entreprise jusqu'au 10 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en préavis dispensé par l'employeur puis en congé de reclassement à compter du 10 décembre 2018 ;
  • Ajoutant que le salarié était présent dans l'entreprise durant 12 mois, même s'il était dispensé de son préavis, son contrat n'était pas suspendu, en tout cas pas avant le 31 décembre 2018.

La Cour de cassation ne partage pas totalement l’avis du Conseil de prud'hommes d'Haguenau, indiquant à cette occasion que : 

Ouvre droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (NDLR : prime PEPA) :

  • Le salarié en congé de reclassement pour la période correspondant à la période de préavis;
  • Nonobstant le fait que l’entreprise proratisait le montant de ladite prime au temps de présence effective dans l’entreprise.

Extrait de l’arrêt :


éponse de la Cour

Vu les articles 1, II, 2°, de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 et 4 de la décision unilatérale du 28 janvier 2019 instaurant la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat au sein de la société (…), l'article L. 1233-72 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, et l'article L. 1234-5 du même code :

  1. D'abord, selon le premier texte, le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat qui bénéficie aux salariés liés par un contrat de travail au 31 décembre 2018 ou à la date de versement, si celle-ci est antérieure, peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de critères tels que la rémunération, le niveau de classification ou la durée de présence effective pendant l'année 2018 ou la durée de travail prévue au contrat de travail. Les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants sont assimilés à des périodes de présence effective.
  1. Aux termes du deuxième texte, la prime allouée aux salariés liés à l'entreprise par un contrat de travail en vigueur au 31 décembre 2018, d'un montant de référence de 800 euros pour les salaires inférieurs à 40 000 euros brut, est versée en conjuguant les deux prorata suivants :

- prorata du temps de travail contractuel pour les salariés à temps partiel,

- prorata au temps de présence pour les personnes entrées au courant de l'année 2018 ou absentes, selon la règle qui suit : 100 % du montant pour 12 mois de présence, 80 % pour 11 mois, 0 % pour 10 mois et moins.

  1. Ensuite, selon le troisième texte, le congé de reclassement est pris pendant le préavis, que le salarié est dispensé d'exécuter. Lorsque la durée du congé de reclassement excède la durée du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu'à la fin du congé de reclassement.
  1. Il en résulte que, si le salarié en congé de reclassement demeure salarié de l'entreprise jusqu'à l'issue de ce congé, la période de congé de reclassement n'est pas légalement assimilée à du temps de travail effectif.
  1. Enfin, selon l'article L. 1234-5 du code du travail, la dispense par l'employeur de l'exécution du travail pendant le préavis ne doit entraîner jusqu'à l'expiration de ce délai aucune diminution des salaires et avantages, y compris l'indemnité de congés payés, que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail.
  1. Il en résulte que le salarié en congé de reclassement a droit au paiement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat pour la période correspondant à celle du préavis, même si la décision unilatérale de l'employeur proratise le bénéfice de cette prime au temps de présence effective dans l'entreprise.
  1. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme correspondant à l'intégralité de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, le jugement retient que le salarié était présent et travaillait dans l'entreprise jusqu'au 10 octobre 2018, date à laquelle il a été placé en préavis dispensé par l'employeur puis en congé de reclassement à compter du 10 décembre 2018. Il ajoute que le salarié était présent dans l'entreprise durant 12 mois, même s'il était dispensé de son préavis, son contrat n'était pas suspendu, en tout cas pas avant le 31 décembre 2018.
  1. En statuant ainsi, alors qu'il constatait que la période du congé de reclassement correspondant à celle du préavis expirait le 10 décembre 2018, le conseil de prud'hommes, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
Cour de cassation du , pourvoi n°21-23092

Commentaire de LégiSocial

Nombreux sont les arrêts de la Cour de cassation concernant le paiement de primes (PEPA ou autres).

Voici un rappel de quelques arrêts proposés sur notre site à ce sujet : 

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