Contexte de l'affaire
La présente affaire qu’aborde la Cour de cassation propose le contexte suivant :
- Un salarié est engagé, en qualité d'ouvrier agricole, suivant 4 contrats CDD saisonniers du 16 juin 2014 au 25 avril 2016 ;
- Etranger résidant en France, il n'a plus été, à compter du 15 juin 2015, en possession d'un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français, la relation de travail a été rompue par l'employeur le 23 mars 2016
Le salarié saisit la juridiction prud'homale le 31 mai 2017 afin d'obtenir la requalification, à compter du 16 juin 2014, de ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat.
La cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 2 mai 2019, déboute le salarié de sa demande, mais ce dernier décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, indiquant au passage que :
Le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat CDD en CDI court :
- Lorsque cette action est fondée sur l'absence d'établissement d'un écrit, à compter de l'expiration du délai de 2 jours ouvrables imparti à l'employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail ;
- Et, lorsqu'elle est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat.
En ces cas, le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté à compter du 1er contrat irrégulier non atteint par la prescription.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
- En application de l'article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier.
- Il en résulte que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l'absence d'établissement d'un écrit, à compter de l'expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l'employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail et, lorsqu'elle est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat. En ces cas, le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté à compter du premier contrat irrégulier non atteint par la prescription.
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L'arrêt constate, d'abord, que le salarié a été embauché sur les périodes du 16 juin 2014 au 8 août 2014, du 13 novembre 2014 au 23 juin 2015, du 1er juillet 2015 au 5 octobre 2015 et du 9 novembre 2015 au 25 avril 2016 et qu'il fait valoir, à l'appui de sa demande en requalification, d'une part, que le formalisme n'a pas été respecté, en l'absence d'écrit ou de signature de sa part, d'autre part, que le motif du recours ne peut avoir pour objet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
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Après avoir jugé que la nature et la périodicité des missions confiées au salarié ne permettent pas de douter du caractère saisonnier de l'activité exercée, rejetant ainsi la demande de requalification des contrats à durée déterminée fondée sur le motif du recours, l'arrêt relève encore que la date de la saisine du conseil de prud'hommes est celle du 31 mai 2017 et retient que l'action en requalification fondée sur une irrégularité de forme du contrat ne peut porter que sur les contrats conclus postérieurement au 31 mai 2015.
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Ayant retenu que, sur les quatre contrats conclus entre le 16 juin 2014 et le 25 avril 2016, d'une part, ceux datés des 13 novembre 2014 et 12 (en réalité 9) novembre 2015, seuls produits aux débats, comportaient des signatures dont la comparaison avec les pièces du dossier ne permettait pas d'affirmer avec certitude que le salarié en était bien l'auteur, d'autre part, que l'employeur soutenait, sans le démontrer, que le salarié avait délibérément refusé de signer les autres, la cour d'appel a, par une juste application des règles relatives à la prescription, requalifié en contrat à durée indéterminée les seuls contrats à durée déterminée des 1er juillet 2015 au 5 octobre 2015 et 9 novembre 2015 au 25 avril 2016 et elle a précisé, à bon droit, que la requalification prononcée prenait effet le 1er juillet 2015, jour de l'engagement du salarié par le premier de ces deux contrats irréguliers.
Commentaire de LégiSocial
La Cour de cassation abordant dans le présent arrêt le délai de prescription d’une action prud’homale, l’occasion pour nous de rappeler quelques principes généraux à ce sujet, les informations ci-après transmises sont extraites d’une de nos fiches pratiques exclusivement consacrée aux différents délais de prescription (présentement délais prévus en cas de licenciement) que le gestionnaire de paie doit maîtriser.
Lire aussi : Les délais de prescription en cas de licenciement en 2024 Fiche pratique
En matière de délais de prescription, de nombreuses modifications sont intervenues ces dernières années : loi de sécurisation de l’emploi de 2013, ordonnances Macron de septembre 2017 et loi de mars 2018.
Exécution du contrat de travail
Thèmes | Contenus |
Durée | 2 ans |
Références | LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JO du 16 juin 2013 LOI n° 2018-217 du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, JO du 31 mars 2018 |
Début du délai de prescription | La prescription de 2 ans démarre à compter du jour :
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Références légales |
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Situations concernées | Sont notamment concernées les situations suivantes :
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Application du délai de prescription | Le délai de 2 ans s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. |