Entretien préalable : la Cour de cassation précise la définition d’une « personne étrangère à l’entreprise »

Jurisprudence
Paie Licenciement

L’entretien préalable au licenciement interdit tout mandat à une personne étrangère à l’entreprise, tel n’est pas le cas du directeur d’une autre société du même groupe, ayant reçu mandat pour agir au nom et pour le compte du représentant légal.

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Contexte de l'affaire

Un salarié est engagé le 17 août 2011 en qualité de responsable comptable et occupe en dernier lieu les fonctions de directeur administratif et financier.

En septembre 2016, la société a été rachetée par un groupe.


Licencié pour faute grave le 12 juin 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre. 

Il considère dans l’affaire présente que l’entretien préalable avait été réalisé par une personne « étrangère à l’entreprise »

La cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, par arrêt du 15 mars 2021, déboute le salarié de sa demande.

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, apportant à cette occasion la précision suivante : 

Il résulte des articles L. 1232-3 et L. 1232-6 du code du travail que :

  • La finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.

N’est pas une personne étrangère à l’entreprise :

  • Le directeur d’une autre société appartenant au même groupe, ayant été missionné en qualité de consultant externe, et ayant reçu mandat pour agir au nom et pour le compte du représentant légal de la société.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

  1. Il résulte des articles L. 1232-3 et L. 1232-6 du code du travail que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.
  1. La cour d'appel a constaté que l'entretien préalable avait été conduit par le directeur de la société (…) , entité appartenant au groupe Scott, au même titre que la société (…) rachetée en 2016, qui avait été missionné par le groupe en qualité de consultant externe et avait reçu mandat, le 1er septembre 2016, pour agir au nom et pour le compte du représentant légal de la société (…)dans le cadre de la gestion opérationnelle administrative et financière de la société, en ce compris notamment les opérations commerciales, les formalités administratives, la comptabilité, la gestion des ressources humaines (recrutement, gestion du personnel, conduite des procédures disciplinaires et de licenciement etc...) et le management de manière générale de la gestion des ressources humaines.
  1. Elle a également relevé que le directeur de la société (…), en exécution de sa mission de consultant, avait non seulement contrôlé l'efficacité du système de contrôle interne mais avait également imposé une réorganisation des processus.
  1. De ses constatations et énonciations, dont il résulte que le délégataire n'était pas une personne étrangère à cette société, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure de licenciement était régulière. 
Cour de cassation du , pourvoi n°21-18142

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions importantes concernant l’entretien préalable.

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique où d’autres informations sont également données. 

La convocation à l’entretien préalable

L’employeur convoque le salarié à un entretien préalable, par lettre recommandée avec avis de réception (LR+AR) ou lettre remise en main propre avec décharge.

Article L1232-2

L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation.

L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Une mention absente sur le courrier entraîne l’irrégularité du licenciement.

La lettre de convocation peut également être transmise par Chronopost.

Nous avons rédigé un article à ce sujet, que vous pouvez retrouver en utilisant le lien suivant :

http://www.legisocial.fr/jurisprudences-sociales/025-convocation-entretien-prealable-adresse-par-chronopost.html

 A même été reconnu comme valable l’envoi de la lettre de convocation par huissier.

Extrait de l’arrêt

« Que la cour d'appel a exactement retenu que la remise par voie d'huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure de licenciement »

Arrêt de la Cour de cassation du mercredi 30 mars 2011 pourvoi 09-71412

Son contenu

  • Dans cette lettre, il doit y avoir : 
  1. L’objet de l’entretien ;
  2. La date, l’heure et le lieu où se déroulera l’entretien ;
  3. La possibilité pour le salarié de se faire assister ;
  4. L’adresse de la mairie où se trouve la liste des personnes pouvant accompagner le salarié lors de l’entretien ;
  5. L’adresse de l’inspection du travail.

Article R1232-1

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La lettre de convocation prévue à l'article L. 1232-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur.
Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien.
Elle rappelle que le salarié peut se faire assister pour cet entretien par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise ou, en l'absence d'institutions représentatives dans l'entreprise, par un conseiller du salarié.

Assistance du salarié lors de l’entretien préalable

L’entreprise dispose d’IRP

Le salarié a la possibilité d’être assisté lors de l’entretien préalable par une personne de son choix, salariée de l’entreprise.

L’entreprise ne dispose pas d’IRP

Lorsque l’entreprise est dépourvue d’IRP, le salarié peut se faire assister :

  • Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ;
  • Soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Article L1232-4

Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative.

La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

Nota :

La mention de possibilité d'assistance par un conseiller du salarié dans une entreprise pourvue d'IRP (ouvrant « au salarié une option qui n'existe pas ») constitue une irrégularité de procédure.

Cour de cassation du 19/11/2008 pourvoi 07-43191

La liste des conseillers est tenue à disposition des salariés.

L’employeur doit indiquer :

  • La référence de la mairie du lieu du domicile du salarié s’il réside dans le même département que celui où se situe le siège social.
  • L’adresse de la mairie de son lieu de travail s’il demeure en dehors de ce département.

Article D1232-5

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)
La liste des conseillers du salarié est arrêtée dans chaque département par le préfet et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture.
Elle est tenue à la disposition des salariés dans chaque section d'inspection du travail et dans chaque mairie.

Le salarié qui souhaite se faire assister par un conseiller du salarié, informe l’employeur de sa démarche.

Article R1232-2

Créé par Décret n°2008-244 du 7 mars 2008 - art. (V)


Le salarié qui souhaite se faire assister, lors de l'entretien préalable à son licenciement, par un conseiller du salarié communique à celui-ci la date, l'heure et le lieu de l'entretien.
Le salarié informe l'employeur de sa démarche

Assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable

Lors de l’entretien préalable, l’employeur ne peut se faire assister que d’une personne appartenant à l’entreprise. 

Extrait de l’arrêt :

Qu'en statuant ainsi, alors que lors de l'entretien préalable, l'employeur ne peut être accompagné que d'une personne appartenant au personnel de l'entreprise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Cour de cassation du 30/03/2011, pourvoi 09-71412

Dans une autre affaire, la présence d’un avocat (qui était accessoirement la sœur de l’employeur) a conduit au versement de dommages et intérêts au salarié. 

Extrait de l’arrêt :

Et attendu qu'ayant constaté que l'entretien préalable s'était déroulé dans les locaux et en présence d'une avocate qui était la soeur de l'employeur, la cour d'appel, qui a alloué à Mme X... une indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement, n'a pas méconnu les textes visés aux moyens qui, dès lors, ne peuvent qu'être écartés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Cour de cassation du 22/02/2006, pourvoi n° 04-43636