Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé en qualité d'intervenant socio-culturel par une association, du 1er septembre 2010 au 30 août 2017 d'abord par contrat à durée déterminée puis par une succession de contrats d'accompagnement dans l'emploi d'une durée d'un an.
Le 19 septembre 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale de demandes en requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes.
Il considère ici que l’employeur n’avait respecté ses obligations en matière d'orientation et d'accompagnement professionnel, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience.
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 27 octobre 2021, déboute le salarié de sa demande, estimant prescrite l'action en requalification de la relation de travail que l'action en requalification du dernier contrat signé le 31 août 2015.
Mécontent de cet arrêt, le salarié décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, rappelant que :
- Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié sollicite la requalification de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée successifs en un contrat CDI fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière d'orientation et d'accompagnement professionnel, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience ;
- Court à compter du terme de chacun des contrats concernés.
Dans l’affaire présente, la Cour de cassation indiquait ainsi que « l'action du salarié n'était pas prescrite pour les contrats ayant pris fin le 30 août 2016 et le 30 août 2017 ».
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et les articles L. 5134-20, L. 5134-22 et L. 1242-1 du même code :
- Selon le premier de ces textes, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
- Il résulte de la combinaison des quatre derniers textes que l'obligation pour l'employeur d'assurer, dans le cadre du contrat d'accompagnement dans l'emploi, des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence de ce contrat, à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
- L'exécution de l'obligation pour l'employeur d'assurer de telles actions s'apprécie au terme du contrat.
- Le point de départ du délai de prescription de l'action par laquelle un salarié sollicite la requalification de contrats d'accompagnement dans l'emploi à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière d'orientation et d'accompagnement professionnel, de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience, court à compter du terme de chacun des contrats concernés.
- Pour déclarer prescrite l'action en requalification de la relation de travail pour la période antérieure au 19 septembre 2015, l'arrêt retient que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 19 septembre 2017et qu'à cette date, le bénéfice des dispositions transitoires de cinq ans n'était plus applicable concernant une action fondée sur l'exécution du contrat de travail. Il en conclut que l'action en requalification du dernier contrat signé le 31 août 2015 était prescrite.
- En statuant ainsi, alors que le salarié invoquait au soutien de sa demande en requalification en contrat de travail à durée indéterminée l'absence d'action de formation de la part de l'employeur pour les contrats d'accompagnement dans l'emploi, ce dont elle aurait dû déduire que le point de départ du délai de prescription de l'action en requalification de ces contrats était le terme de chacun d'entre eux et que l'action du salarié n'était pas prescrite pour les contrats ayant pris fin le 30 août 2016 et le 30 août 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
La présente affaire aborde le délai de prescription, voici un extrait d’une de nos fiches pratiques consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Les délais de prescription en cas de licenciement en 2024 Fiche pratique
En matière de délais de prescription, de nombreuses modifications sont intervenues ces dernières années : loi de sécurisation de l’emploi de 2013, ordonnances Macron de septembre 2017 et loi de mars 2018.
Paiement des salaires
Thèmes | Contenus |
Durée | 3 ans |
Références | LOI no 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JO du 16 juin 2013 |
Début du délai de prescription | La prescription de 3 ans démarre à compter du jour :
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Sommes concernées | La demande peut porter sur :
Ce délai de 3 ans est notamment applicable (outre les salaires proprement dits) à certaines indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail comme : · ICCP ou indemnité compensatrice de préavis ; · Indemnité versée au titre de la clause de non-concurrence ; · Indemnité de départ volontaire à la retraite ayant le caractère de complément de salaire (Arrêt Cour de cassation du 30/01/2008, pourvoi n° 06-17531). |
Références légales | Article L3245-1 Modifié par LOI n°2013-504 du 14 juin 2013 - art. 21 L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. |
Thèmes | Contenus |
Application du délai de prescription | Ce délai de 3 ans s’applique aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi. L’application du nouveau délai a pour effet de limiter la durée totale de la prescription afin qu’elle ne puisse excéder la durée prévue par les dispositions antérieures à la loi de sécurisation de l’emploi (prescription quinquennale à l’époque). Ce délai de prescription était de 5 ans, du 19 juin 2008 au 16 juin 2013, en conséquence l’exemple concret suivant peut être envisagé : 1. Il s’est déjà écoulé 3 ans lors de la promulgation de la loi ; 2. Le salarié ne dispose alors que d’un délai de 2 ans (et non de 3 ans) pour agir. |
Frais professionnels | La prescription prévue pour les salaires, s’applique de façon identique à l’action en remboursement de frais professionnels. Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 12 juillet 2006 N° de pourvoi: 04-48687 Publié au bulletin |
Délai de prescription salaires et date habituelle paiement | Le délai de prescription des salaires court : · A compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; · Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré. |
Délai de prescription salaires : exemple concret | · Soit une entreprise dont la date de paiement des salaires est fixée au 25 du mois ; · Un salarié engage une action en justice le 20 novembre 2018 ; · Ce salarié a la possibilité de « remonter » 3 ans en arrière, soit jusqu’au 20 novembre 2015 ; · A ce titre, il est en droit de réclamer les salaires de novembre 2015, ces derniers ayant été exigibles le 25 novembre 2015. |
Délai de prescription indemnité congés payés | Le point de départ du délai de la prescription doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris. |