Contexte de l'affaire
Nota :
La présente affaire a déjà été abordée, mais dans le cadre du droit au paiement d’heures supplémentaires :
« Les heures supplémentaires sont dues lorsque les tâches confiées les rendent nécessaires »
Un salarié est engagé en qualité de charpentier coffreur le 4 juillet 2014, par contrat de chantier.
Contestant son licenciement, il saisit la juridiction prud'homale le 11 mai 2015 de demandes en paiement de diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.
Pour information, concernant l’entreprise dans laquelle il exerçait son activité :
- Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte par jugement du 16 novembre 2016 ;
- Convertie ultérieurement en liquidation judiciaire et clôturée par jugement du 1er décembre 2021 pour insuffisance d'actif.
La cour d'appel de Paris, par arrêt du 3 mars 2021, déboute le salarié de sa demande, estimant que ce dernier n’apporte pas suffisamment de preuve permettant de reconnaitre l’absence de paiement de salaire.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, restant à cette occasion dans sa jurisprudence constante en indiquant que :
- C’est à l’employeur qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.
Inverse la charge de la preuve, la cour d’appel qui déboute le salarié :
- De ses demandes en paiement de créances de salaires impayés pour l'année 2014, janvier 2016 et pour trois autres mois ainsi que d'une créance au titre des congés payés ;
- Retenant pour cela que ces demandes ne reposent sur aucune explication, ni ne sont étayées par l'indication d'aucun document.
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil :
- Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
- Pour débouter le salarié de ses demandes en paiement de créances de salaires impayés pour l'année 2014, janvier 2016 et pour trois autres mois ainsi que d'une créance au titre des congés payés, l'arrêt retient que ces demandes ne reposent sur aucune explication, ni ne sont étayées par l'indication d'aucun document.
- En statuant ainsi, alors qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [J] [P] [K] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour repos compensateur non pris, d'un solde de salaire au titre de l'année 2014, de janvier 2015 et 2016, outre congés payés afférents, et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Commentaire de LégiSocial
Les arrêts de la Cour de cassation concernant le paiement (ou l’absence de paiement) d’un salaire sont fréquents, et régulièrement se pose la question de savoir « qui doit prouver que le salaire a bien été réglé ?» ou alors « qui doit prouver qu’aucun paiement n’a été réalisé ? ».
La réponse est régulièrement la même, voici un rappel de quelques arrêts le confirmant…
Situations | Références |
A l’employeur de prouver que le paiement du salaire a bien été effectué | Cour de cassation du 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23570 Lire aussi : A l'employeur de prouver que le paiement du salaire a bien été effectué JurisprudenceUne salariée est engagée en qualité de gardienne d'immeuble le 25 juin 2007. Elle est déclarée inapte à son poste de travail, à l'issue de 2 examens médicaux, les 16 ... |
Nonobstant la remise du bulletin de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire | Cour de cassation du 29 mars 2023, pourvoi n° 21-19631 Lire aussi : Nonobstant la remise du bulletin de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire JurisprudenceL’acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie, ne peut valoir renonciation au paiement du salaire. Ainsi, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire. |
La seule remise du bulletin de paie ne prouve pas le paiement du salaire | Cour de cassation du 19 avril 2023, pourvoi n° 22-11642 Lire aussi : La seule remise du bulletin de paie ne prouve pas le paiement du salaire JurisprudenceNonobstant la délivrance de bulletins de paie, l'employeur doit prouver le paiement du salaire qu'il invoque, qui ne peut résulter que de la seule remise de chèques à l'ordre du salarié. |