Un accord de modulation s’impose au salarié lorsqu’il est correctement informé

Jurisprudence
Paie Prud'hommes

Ayant été constaté que le salarié avait été informé lors de son embauche de l’existence d’un accord de modulation, affiché en outre en salle de pause, la cour d’appel ne saurait considérer que le texte était inopposable au salarié.

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Contexte de l'affaire

Une salariée est engagée en qualité d'agent de sécurité le 30 juin 2014.


Le 26 septembre 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes se rapportant à l'exécution du contrat de travail. 

Elle met notamment en avant le fait qu’elle n’avait pas été correctement informée de l’existence d’un accord d'entreprise relatif à la modulation du temps de travail.

La cour d'appel de Versailles, par arrêt du 14 octobre 2021, donne raison à la salariée estimant que cet accord collectif lui était inopposable, et condamne l’employeur au paiement d’heures supplémentaires.

Pour cela la cour d’appel relève dans son arrêt que : 

  • Pour condamner l'employeur à verser des sommes au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents et au titre du dépassement des durées maximales de travail, l'arrêt retient que :
  • Si l'employeur communique des attestations de trois salariés indiquant que l'accord d'entreprise sur la modulation du temps de travail est disponible dans la salle de pause ;
  • Il ne ressort pas de ces témoignages que cette mise à disposition a fait l'objet de l'avis prescrit par l'article R. 2262-3 précité, ni que la salariée en avait connaissance.

L'arrêt ajoute que :

  • La salariée communique en outre une attestation d’un salarié qui indique qu’ « il ne m'a jamais été indiqué où ils étaient consultables »;
  • Tandis qu’un autre salarié explique qu' « aucun panneau d'affichage ou document n'étaient à notre disposition donc impossible de consulter les accords d'entreprise ».

L'arrêt ajoute encore que :

  • L’employeur ne justifie que d'une seule annexe au bulletin de paie du mois de janvier 2017 au titre du repos compensateur acquis en 2016 et que cette annexe ne fait pas mention de l'accord d'entreprise dont il se prévaut.

L’employeur décide de se pourvoir en cassation. 

La Cour de cassation n’est pas sensible aux arguments de la cour d’appel, dont elle casse et annule l’arrêt.

Elle confirme à cette occasion que : 

Ayant été constaté que :

  • Le salarié avait été informé au moment de son embauche de l'accord d'entreprise relatif à la modulation du temps de travail ;
  • Et que celui-ci était mis à disposition en salle de pause, en sorte qu'il était accessible ;
  • La cour d’appel ne pouvait alors considérer que le texte était inopposable au salarié.

Extrait de l’arrêt :


Réponse de la Cour

Vu l'article R. 2262-1 du code du travail, l'article R. 2262-3 du même code, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2016-1417 du 20 octobre 2016, puis dans sa version issue de ce même décret :

  1. Aux termes du premier de ces textes, à défaut d'autres modalités prévues par une convention ou un accord conclu en application de l'article L. 2262-5, l'employeur :

1° Donne au salarié au moment de l'embauche une notice l'informant des textes conventionnels applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;

2° Tient un exemplaire à jour de ces textes à la disposition des salariés sur le lieu de travail ;

3° Met sur l'intranet, dans les entreprises dotées de ce dernier, un exemplaire à jour des textes.

  1. Selon le second, dans sa version antérieure à celle issue du décret n° 2016-1417 du 20 octobre 2016, un avis est affiché aux emplacements réservés aux communications destinées au personnel. Il comporte l'intitulé des conventions et des accords applicables dans l'établissement. Il précise où les textes sont tenus à la disposition des salariés sur le lieu de travail ainsi que les modalités leur permettant de les consulter pendant leur temps de présence.
  1. Depuis l'entrée en vigueur du décret précité, cet avis est communiqué par tout moyen aux salariés.
  1. Pour condamner l'employeur à verser des sommes au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents et au titre du dépassement des durées maximales de travail, l'arrêt, après avoir rappelé les dispositions réglementaires applicables, retient que si l'employeur communique des attestations de trois salariés indiquant que l'accord d'entreprise sur la modulation du temps de travail est disponible dans la salle de pause, il ne ressort pas de ces témoignages que cette mise à disposition a fait l'objet de l'avis prescrit par l'article R. 2262-3 précité, ni que la salariée en avait connaissance. L'arrêt ajoute que la salariée communique en outre une attestation de M. [U] qui indique qu' « il ne m'a jamais été indiqué où ils étaient consultables », tandis que M. [V] explique qu' « aucun panneau d'affichage ou document n'étaient à notre disposition donc impossible de consulter les accords d'entreprise ». L'arrêt ajoute encore que l'employeur ne justifie que d'une seule annexe au bulletin de paie du mois de janvier 2017 au titre du repos compensateur acquis en 2016 et que cette annexe ne fait pas mention de l'accord d'entreprise dont il se prévaut.
  1. La cour d'appel en déduit que l'accord d'entreprise relatif à la modulation du temps de travail est inopposable à la salariée.
  1. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la salariée avait été informée au moment de son embauche du texte conventionnel applicable dans l'entreprise et que celui-ci était mis à disposition en salle de pause, en sorte qu'il était accessible, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Cour de cassation du , pourvoi n°21-25158

Commentaire de LégiSocial

Nous profitons de la présente affaire pour rappeler quelques notions importantes concernant l’accord de modulation.

Les informations ci-après proposées sont extraites de notre fiche pratique où d’autres informations sont également données. 

Organisation sous la forme de modulation

La modulation s’adresse particulièrement bien aux entreprises qui connaissent des périodes de forte activité et certaines de baisse activité.

Principes majeurs

Rubriques

Explications

Principe de base

  • Variation de la durée hebdomadaire du travail sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas un plafond de 1.607 heures.

Le « tunnel »

L’accord collectif fixe :

  • Une durée minimale hebdomadaire ;
  • Et une durée maximale

Mise en place

  • Par accord collectif 

Plafond annuel

  • La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur sans jamais excéder 1.607 h.

Rémunération

Selon accord collectif :

  • Soit au réel ;
  • Soit de façon « lissée », permettant au salarié de percevoir la même rémunération que le mois comporte des périodes de « forte activité » ou de « basse activité ». 

Rupture contrat de travail pour motif économique

  • Lorsque la rupture intervient après ou pendant une période de modulation, le salarié conserve le supplément de rémunération qu'il a, le cas échéant, perçu par rapport au nombre d'heures effectivement travaillées.

Seuil déclenchement des heures supplémentaires

2 seuils permettent le déclenchement d’heures supplémentaires : 

1.   Les heures travaillées sont > durée maximale hebdomadaire fixée p/accord collectif ;

2.   Les heures travaillées sur l’année, constatées au « bilan de modulation » sont > plafond annuel (1.607 heures ou moins) déduction faite des heures supplémentaires déjà payées au point 1.