Contexte de l'affaire
Un salarié est engagé le 21 avril 2011, en qualité d'administrateur de base de données incidents.
Placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle à compter du 5 janvier 2015, il est déclaré inapte suivant avis du médecin du travail du 23 août 2017 rédigé en ces termes : « Inapte. Étude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l'employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 septembre 2017, le salarié saisit la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.
Il considère notamment que son employeur n’a pas respecté son obligation de procéder à des recherches de reclassement.
La cour d'appel d'Amiens, par arrêt du 6 janvier 2022, donne raison au salarié, mais l’employeur décide de se pourvoir en cassation.
La Cour de cassation confirme l’arrêt de la cour d’appel, apportant à cette occasion une réponse qui ne manque pas de subtilité, selon nos sentiments :
Il résulte de l'article L. 1226-2-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que, en cas d’inaptitude :
- L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Il s'ensuit que :
- Lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- L’employeur n’est pas dispensé de son obligation de procéder à des recherches de reclassement
Extrait de l’arrêt :
Réponse de la Cour
- Il résulte de l'article L. 1226-2-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
- Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement.
- L'arrêt constate que l'avis d'inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
- La cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel et qu'il avait ainsi manqué à son obligation de reclassement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois, tant principal qu'incident ;
Commentaire de LégiSocial
Profitons de l’affaire présente pour rappeler quelques notions de base concernant l’obligation de reclassement en cas de licenciement pour inaptitude.
Ces informations sont extraites d’une fiche pratique exclusivement consacrée à cette thématique :
Lire aussi : Quelles sont les procédures en cas de licenciement pour inaptitude en 2024 ? Fiche pratique
En cas d’inaptitude du salarié (qu’elle soit d’origine professionnelle ou non) et impossibilité de reclassement, des procédures particulières sont à respecter. Elles vous sont décrites dans la présente fiche pratique.
Obligation de reclassement
Ce sont les articles suivants du code du travail qui nous donnent les informations concernant l’obligation de reclassement par l’employeur en cas d’inaptitude :
- Article L 1226-2-1 ;
- Article L 1226-12 ;
- Article L 1226-20.
Article L1226-2-1
Création LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre.
Article L1226-12
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.
L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.
Article L1226-20
Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 102 (V)
Lorsque le salarié est titulaire d'un contrat à durée déterminée, les dispositions des deuxième et dernier alinéas de l'article L. 1226-12 et des articles L. 1226-14 à L. 1226-16, relatives aux conditions de licenciement d'un salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne sont pas applicables.
Si l'employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi, dans les conditions prévues aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11, au salarié déclaré inapte titulaire d'un tel contrat ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.
Les dispositions visées aux articles L. 1226-10 et L. 1226-11 s'appliquent également aux salariés en contrat de travail à durée déterminée.
La rupture du contrat ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut être inférieur au double de celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités que l'indemnité de précarité prévue à l'article L. 1243-8.
Sont ainsi confirmés les points suivants :
- L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail ;
- Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (l’article L 1226-12 évoque ce point pour une inaptitude d’origine professionnelle, et l’article L 1226-2-1 au titre d’une inaptitude d’origine non professionnelle).
Dispense obligation de reclassement
La loi travail apporte une modification importante à ce sujet.
Désormais, l’employeur est dispensé de son obligation de proposer un reclassement, sous réserve de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail :
- Que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
- Ou que l'état de santé du salarié ferait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Désormais, dans l’esprit d’harmoniser les règles de reclassement, cette possibilité est ouverte :
- En cas d’inaptitude d’origine professionnelle (consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle) ;
- Mais également en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle.